SciELO - Scientific Electronic Library Online

 
vol.36 número2Double trouble: french colonialism in Morocco and the early history of the Pasteur institutes of Tangier and Casablanca (1895-1932)El arte al servicio de la ciencia: antecedentes artísticos para la impresión total del paisaje en Alexander von Humboldt índice de autoresíndice de materiabúsqueda de artículos
Home Pagelista alfabética de revistas  

Servicios Personalizados

Revista

Articulo

Indicadores

Links relacionados

  • En proceso de indezaciónCitado por Google
  • No hay articulos similaresSimilares en SciELO
  • En proceso de indezaciónSimilares en Google

Compartir


Dynamis

versión On-line ISSN 2340-7948versión impresa ISSN 0211-9536

Dynamis vol.36 no.2 Granada  2016

 

 

 

Les instituts Pasteur du Maghreb: mémoires divisées, histoire transversale

The Pasteur Institutes of Maghreb: divided memories, transversal history

 

 

Anne Marie Moulin

orcid.org/0000-0002-1652-3880. Laboratoire SPHRE, UMR 7219, CNRS-Université Paris Diderot. anne.santromain@gmail.com

 

 


RÉSUMÉ

Le choix de l'expression "histoire des instituts Pasteur du Maghreb" suggère un angle d'approche post-colonial et une interrogation sur le devenir commun de ces instituts. L'auteur propose une relecture transversale et comparative de leur passé, à la lumière des recherches récentes en sciences sociales et des données de l'histoire orale en cours de recueil. Les instituts Pasteur d'Alger, Tunis, Tanger et Casablanca ont été créés séparément à différentes périodes de la colonisation française, avec un objectif commun d'application des méthodes et des doctrines pasteuriennes et d'amélioration de la santé publique, mais ont connu des péripéties assez différentes pour justifier le terme de "mémoire divisée". Si la lutte contre les maladies infectieuses faisait partie de l'idéologie du pouvoir colonial, c'est la promesse de modernité liée à la "révolution pasteurienne", qui explique la pérennisation de l'entreprise et la survie présente des trois instituts dans les capitales du Maghreb. Au XXIe siècle, les instituts Pasteur du Maghreb sont confrontés comme la maison-mère de Paris, dans un contexte scientifique et politique changeant, à l'évolution de leur modèle original de fonctionnement, associant étroitement recherche-production-formation. Dans le cadre du Réseau International des Instituts Pasteur formalisé en 2003, se pose la question de l'autonomisation future d'un ensemble constitué par les instituts Pasteur du Maghreb? Emergeront-ils comme une entité à part entière, et quels liens entretiendront-ils au sein du réseau et avec le reste du monde, en particulier avec le monde arabe? Autant de questions à la fois politiques et scientifiques.

Mots-clés: Instituts Pasteur du Maghreb, XIX-XXe siècles, réseau, mémoire scientifique, santé globale.


ABSTRACT

The choice of the expression «History of the Maghreb Pasteur institutes» is suggestive of a post-colonial approach and raises questions about the shared future of those centres. The author offers a comparative view of the past of the Institutes in Tunis, Algiers and Casablanca, relying on recent research in social sciences and the development of oral history. The Institutes were created separately at different times but more or less followed a single model linking research, production, and teaching. Fighting infectious diseases was part of the colonial heritage, but it was above all the promise of modernisation linked to participation in the Pastorian Revolution that explains why the three Institutes never discontinued their activities in the three Southern Mediterranean capitals. At the turn of the 21th century, the Pasteur Institutes of the Maghreb, in common with the mother Institute in Paris, were faced by new challenges in a changing political and epidemiological context. The International Pasteur Institutes Network was formally established in 2003. What is the future of the Maghreb Institutes? Will they form a separate entity? And what links will they create with the rest of the world, especially the Arab World? These questions are both scientific and political.

Key words: Pasteur institutes of the Maghreb, 19-20th centuries, network, scientific memory, global health.


 

1. Introduction

Le terme d'instituts Pasteur "du Maghreb" est d'usage relativement récent. Pendant toute la colonisation, on parle des instituts d'Afrique du Nord, comme dans les Archives du même nom. Aujourd'hui, on parle aussi des instituts "du sud de la Méditerranée", avec d'autres résonances géopolitiques. En 2015, les membres des instituts Pasteur maghrébins s'interrogent sur une trajectoire commune et revisitent à cette occasion leur passé. Une histoire est certainement à réécrire, dépassant les clivages postcoloniaux, et explorant la mémoire qui a joué un tel rôle dans l'institution pastorienne, à qui convient la question posée par l'anthropologue Mary Douglas: How institutions think?1 Par cette question, la célèbre anthropologue suggérait que certaines institutions bénéficient d'une véritable personnalité qui se renforce au cours de leur histoire et semble ordonner leur destin. Cela semble le cas de l'institut Pasteur de Paris. Qu'en est-il des trois instituts Pasteur du Maghreb?

La mémoire jouit d'un statut privilégié dans les maisons Pasteur. En contraste frappant avec certaines institutions scientifiques françaises qui tentent d'oublier leurs origines autour de la deuxième guerre mondiale, les instituts Pasteur sont fortement ancrés dans une période glorieuse, un moment fort et incontesté de l'histoire scientifique à la fin du 19e siècle, souvent caractérisé comme une "révolution médicale"2: l'invention des maladies infectieuses3, avec la naissance de la théorie bactérienne des maladies, bref, l'ère de la microbiologie, porteuse de promesses de prévention et de traitements, grâce à un inventaire exhaustif des germes pathogènes. Cet inventaire devait aboutir, selon la prophétie pastorienne, à l'éradication des grands fléaux comme la tuberculose, la peste, la rage et le choléra4. L'histoire de l'Institut Pasteur de Paris a été intensément popularisée par l'affiche, la gravure, l'assiette, le livre adapté à tous les publics, laïc ou religieux, conservateur ou radical. L'Institut Pasteur de Paris littéralement surabonde d'histoire5. Cette omniprésence de l'Histoire s'est manifestée, dès ses premières années, par de fréquentes commémorations, occasions de festivités symboliques. Curieusement, l'ouvrage monumental coordonné par l'historien Pierre Nora, en 1984, n'avait pas mentionné l'Institut Pasteur parmi les lieux de mémoire constitutifs de l'identité française6, et cette lacune était surprenante. Lorsque l'éditeur Hachette lança le projet d'un ouvrage intitulé le "Besoin d'histoire", qui ne vit jamais le jour, l'Institut Pasteur vint en tête des thèmes proposés.

Mais l'Institut Pasteur de Paris n'est pas resté unique. Avant même qu'il sorte de terre, la formule d'un établissement de prophylaxie de la rage a été exportée aux Etats-Unis, en Russie et en Amérique latine7. La lutte contre la rage était le mobile initial, mais il s'agissait plus généralement d'appliquer les méthodes pastoriennes reconnues efficaces. Or l'application de ces méthodes soulevait des questions qui ne pouvaient être résolues que par plus de science, ce qu'on appellera plus tard "recherche". Très vite, l'essaimage des instituts a donc porté l'ambition prométhéenne de la nouvelle médecine aux quatre coins du monde. La promesse de longue haleine d'une modernité triomphante est probablement une des sources de la longévité des trois instituts Pasteur, Tunisie, Algérie, Maroc, tous trois nés à des dates différentes, avant la deuxième guerre mondiale, et de leur maintien à la fin de la colonisation, à travers les turbulences accompagnant l'accès à l'indépendance. L'universalisme affiché des "valeurs pasteuriennes" communes aurait ainsi facilité, dans les années 1960, la transition vers les programmes nationalistes et modernisateurs des nouveaux états.

Le contexte contemporain est celui du réseau international des instituts Pasteur, créé officiellement en 20038, où Tunis, Alger et Casablanca constituent un sous-ensemble, encore faiblement institutionnalisé, mais dont la cristallisation potentielle revêt, un demi-siècle après les indépendances, une dimension clairement politique.

Ecrire l'histoire des instituts Pasteur du sud de la Méditerranée en 2016, c'est donc à la fois renouer avec un temps fort de la science baptisé en son temps révolution, plonger dans un passé insuffisamment connu, et chercher le miroir historique où les états du Maghreb déchiffrent aujourd'hui leur avenir. Qu'en sera-t-il demain des relations entre les trois instituts?

Il s'agit d'une histoire nouvelle, scientifique et politique, en chantier, s'appuyant sur les recherches récentes en sciences sociales et enrichie par l'exploitation de sources inédites, et le développement de l'histoire orale, qui entend se démarquer des sagas officielles antérieures. Cette histoire est à écrire dans le contexte d'un réseau mondial pastorien en transformation dans un monde qui change, où les hommes et les microbes circulent plus vite et plus loin, et où les laboratoires prennent un sens différent: le rapport avec la clinique hospitalière se distend, les modèles animaux perdent leur importance, la science se fait de plus en plus in silico, les mathématiciens et les informaticiens assument un rôle central dans la gestion des flux d'informations, la propriété des souches microbiennes et plus généralement des données (data) demande une mise à jour du droit international.

Une réévaluation du passé est indispensable au tournant d'un monde qu'on dit globalisé, où la recherche des identités individuelles et collectives, y compris dans les communautés scientifiques, et particulièrement dans le monde arabe, revêt de nouvelles significations. L'utilisation presque programmatique de l'expression instituts Pasteur "du Maghreb" introduit un nouvel univers de référence, qui est le monde arabe. C'est ainsi que la recherche qui s'y déroule peut constituer aujourd'hui un chapitre de l'histoire des sciences dans le monde arabe9. Mais on peut à cet égard rappeler que Maghreb signifie Occident par opposition à Machreq, Orient.

 

2. Qu'y a-t-il de nouveau dans cette histoire?

Chaque institut Pasteur dispose d'une version officielle de sa fondation, transmise de génération en génération, un récit rattachant en général le premier directeur à Louis Pasteur ou à défaut à un des compagnons des temps héroïques, comme Emile Roux à Alger: lui qui voyageait peu s'est déplacé plusieurs fois pour soutenir les missions sur le paludisme. Le récit canonique est fréquemment repris avec quelques variantes lors des commémorations.

Ce discours retraçant avec quelques anecdotes les circonstances de la création de chaque institut a été élaboré le plus souvent dans les années qui ont suivi. Il célèbre les "doctrines" et "méthodes" pastoriennes10, situées à l'origine des temps et des espaces, porteuses d'une identité prestigieuse indéfiniment réaffirmée. Plus tard, la référence à un esprit pastorien éminemment flexible permettrait d'épouser les mutations de la biologie et d'intégrer l'apparition de disciplines renouvelant complètement le paysage conceptuel, comme la génétique et la biologie moléculaires, et de souder une communauté par-delà les frontières.

L'exploration de nouveaux matériaux d'archives permet de prendre une distance avec les récits épiques antérieurs. Depuis les années 1930, un musée Pasteur est installé dans l'ancien appartement du savant, comportant un fonds d'archives rassemblées par une bibliothécaire zélée, Denise Wrotnowska, conservateur du musée jusqu'en 1972, date à laquelle Annick Perrot lui succède11. En 1978, par décision de Maxime Schwartz, alors sous-directeur de l'Institut Pasteur à Paris, un centre d'archives distinct a été créé, dirigé par une chartiste, Denise Ogilvie12. Initialement, il s'agissait seulement d'un inventaire des documents rassemblés autour de Jacques Monod, le prestigieux prix Nobel (1965), directeur de l'Institut Pasteur de 1971 à 1976, disparu en pleine gloire. Mais Maxime Schwartz a étendu l'horizon du nouveau centre à tous les pastoriens. Depuis sa création, il ne cesse d'accueillir des dépôts faits par les descendants des premiers pastoriens et par leurs successeurs, que la directrice des Archives, Denise Ogilvie, a infatigablement démarchés. Elle a aussi entrepris sur place un catalogage et un enregistrement systématique de la documentation entreposée dans des instituts comme Dakar et Madagascar. Le troisième devait être Alger, et nous devions, Denise Ogilvie et moi, en octobre 1995, rejoindre Warda Aït Mesbah, la bibliothécaire de l'institut à Alger, sur le point de partir en retraite. Celle-ci, parlant de ses années de faculté, en pleine guerre d'Algérie, évoquait une certaine indifférence des jeunes militants partant pour le maquis vis à vis de la science13: "Avec nos diplômes, nous ne ferons pas de meilleurs morts!" Nous devions avec Warda faire un premier inventaire de la documentation disponible. Le destin en décida autrement: en raison de l'instabilité de la situation politique et des violences à Alger, notre mission fut annulée et repoussée sine die.

En 1995, Jean-Luc Durosoir14, secrétaire général des Instituts Pasteur d'Outremer (IPOM) rebaptisés Instituts Associés, proposa le thème des archives à la réunion des directeurs d'institut, qui, à l'initiative de Jacques Monod en 1972, se tenait tous les deux ans à Paris. Je fus chargée de présenter un argumentaire sensibilisant les directeurs à l'importance de l'inventaire et de la préservation de leur patrimoine, utile pour la capitalisation scientifique du passé et l'inspiration de nouveaux programmes en partenariat15.

En ce qui concerne les instituts d'Afrique du Nord, un tournant dans la tradition des célébrations fut pris à l'Institut Pasteur de Tunis, en 1993, au moment des cérémonies du centenaire, organisées par le directeur Koussay Dellagi. Après les discours officiels, dialoguèrent des historiens et des grands témoins. Les textes furent publiés dans un numéro spécial des Archives de l'Institut Pasteur de Tunis16. Kmar Ben Nefissa, historienne et médecin, vint travailler à l'Institut sur les manuscrits scientifiques17. Un ensemble de documents autour de Charles Nicolle (dont ses cahiers de laboratoire et une partie de sa volumineuse correspondance) avait été sauvegardé par Amor Chadli pendant sa direction et transmis à son successeur. C'est ce fonds qui a fourni à Kim Pelis, mon ancienne étudiante de Johns Hopkins à Baltimore, une partie du matériel de sa biographie de Charles Nicolle, Pasteur's imperial missionary18.

C'est encore à Tunis que le projet d'une histoire orale, complémentaire des sources documentaires, a pris forme. En juin 2012, succédant à une journée consacrée en 2010 à l'histoire médicale tunisienne, s'y est tenu un séminaire sur l'histoire orale des instituts Pasteur, associant membres anciens et actuels du personnel des instituts, juristes, historiens et socio-anthropologues. Ces journées mémorables ont bénéficié de l'exceptionnelle coprésence de trois directeurs de l'Institut Pasteur de Tunis (qui se sont succédés quasiment sans interruption depuis l'indépendance): Amor Chadli, Koussay Dellagi, Hechmi Louzir, de deux anciens directeurs d'Alger: Fadela Boulahbal et Mohammed Tazir, d'un ancien directeur de Casablanca, Mohammed Hassar, et de deux directeurs de Tanger, Maurice Huet (de 1963 à 196619), et Alexis Combaras. Mais des techniciens vétérans étaient aussi présents.

 

3. Une mémoire divisée

L'histoire transversale et comparative des instituts Pasteur du Maghreb se heurte à une mémoire divisée, qui reflète la disparité des destins des trois pays à l'époque coloniale et au-delà20. L'occupation française a suivi en effet une chronologie bien différente dans les trois pays: démarrant en 1830 pour l'Algérie, elle n'a commencé qu'en 1881 pour la Tunisie, et en 1912 pour le Maroc. La chronologie de la création des instituts Pasteur est en conséquence décalée: 1893 pour Tunis et Alger, 1912 pour Tanger, 1929 pour Casablanca21.

Il faut souligner d'emblée que ces dates sont problématiques. Une des premières tâches d'une nouvelle histoire est de se pencher sur les vrais et faux départs des instituts et d'en déterminer les raisons.

Pour l'Institut Pasteur de Tunis, on peut parler d'une double fondation. La première, prestigieuse de ce fait, est due au propre neveu de Louis Pasteur, Adrien Loir, traversant la Méditerranée pour apporter le secours de la microbiologie aux colons, subissant des déboires avec la vinification, en raison des fortes chaleurs. C'est le directeur de l'agriculture, Paul Bourde, qui sollicite directement Pasteur. Celui-ci se souvient de ses travaux sur le vin, secteur privilégié de l'agriculture française, qui vient de subir le désastre du phylloxéra. Mais très rapidement, Loir adjoint aux recherches sur les ferments le lancement de deux produits qui sont partie intégrale du "modèle" pastorien: le vaccin antirabique et la sérothérapie antidiphtérique appliquée par Emile Roux aux enfants dans les hôpitaux parisiens. Il commence même à produire le sérum sur place, avec l'aide d'une souscription locale. Il se lance en même temps dans l'exploration de la pathologie locale, avec l'aide de son ami Bechir Dinguizli, premier médecin tunisien à effectuer ses études de médecine en France22 (à la différence d'Alger, où une école de médecine a été improvisée en 1836, réouverte temporairement en 1856 et solennellement inaugurée en 190923, Tunis ne disposera d'une faculté qu'en 1962, après l'indépendance). C'est certainement Dinguizli, appartenant à une famille aristocratique de la Régence (son frère est ministre de la plume et normalien), qui l'a initié aux réalités de la vie tunisienne. Dinguizli a dédicacé au neveu de Pasteur sa thèse de doctorat en médecine, soutenue à Bordeaux en 189724. Il y mentionne sa demande de fatwas (avis) auprès des ulémas de la grande mosquée de la Zitouna: les religieux entérinent le principe de la vaccine ou de l'introduction d'un matériel animal dans le corps humain, admise depuis longtemps dans la pharmacopée arabe, et plus généralement le fait d'imposer un mal mineur pour en éviter un plus grand, en se fondant sur la jurisprudence du droit islamique. L'idée des visiteuses introduisant le vaccin au domicile des familles est aussi attribuable à Dinguizli25. Dès cette époque, le modeste établissement, déclaré établissement public, est rattaché au Ministère de l'Agriculture.

Mais le deuxième moment fondateur a refoulé le précédent. Pour une raison bien franco-française. Le premier directeur, Adrien Loir26, a quitté l'institut en 1901, pour des raisons personnelles. Son souvenir a été éclipsé par la personnalité flamboyante de Charles Nicolle qui prend la direction de l'institut en 1903 et la gardera pendant plus de trente ans. Ce dernier s'est d'ailleurs beaucoup employé à dénigrer son prédécesseur et à minimiser son action pionnière. S'il n'a pas réalisé de grandes découvertes, Adrien Loir avait pourtant jeté les fondements de la médecine pastorienne et participé à la vie intellectuelle locale en publiant dans la Revue Tunisienne. Quand Nicolle s'installe, il ignore le mentor de Loir. Dinguizli est marginalisé dans des fonctions modestes d'inspecteur des hôpitaux et des prisons.

C'est du temps de Loir que l'institut Pasteur, après plusieurs implantations provisoires, est prévu en 1901 dans son emplacement actuel, sur un terrain du Jardin d'Essai, à côté du parc du Belvédère. C'est encore du temps d'Adrien Loir que, refondé par le décret beylical du 14 février 1900 dû à Ali Bey, l'institut est cette fois rattaché au Ministère de la Santé. Mais c'est effectivement à partir de 1903, après l'arrivée de Charles Nicolle, qu'il connaît un grand essor, avec une multiplication des travaux bactériologiques et parasitologiques27.

La fondation de l'Institut Pasteur d'Alger se dédouble encore plus nettement. En 1892, commence à fonctionner un Institut Pasteur, non pas sous l'égide d'un membre de la "famille de Pasteur", mais à l'initiative de deux professeurs de la Faculté de Médecine d'Alger, Paulin Trolard et Henri Soulié. Ils ont choisi d'emblée de renouveler le geste fondateur de la vaccination antirabique, et comme Loir lui ont associé la vaccination antivariolique. Le premier institut Pasteur se situait dans le centre-ville, là où est aujourd'hui l'Université d'Alger. Trolard et Soulié seront éclipsés par l'entrée en scène des frères Sergent. Edmond Sergent, né à Alger et y ayant fait ses études de médecine, est parti à l'Institut Pasteur de Paris. Il est envoyé à Alger en 1900 par Emile Roux pour enquêter avec son frère Etienne sur le paludisme, une mission qui durera neuf ans. Le récit de l'envoi de cette mission, inlassablement cité, est caractéristique des mythes fondateurs des instituts Pasteur dans le monde, ou "l'histoire écoutée aux portes de la légende28":

Un soir du mois de février 1900, Edmond Sergent, jeune préparateur à l'Institut Pasteur, accompagnait son maître le Dr Roux rentrant à pied à son logis d'Auteuil par le boulevard Garibaldi. Le maître et l'élève parlaient de la découverte de Ronald Ross, récemment connue en Europe, qui révélait le rôle des moustiques dans la propagation du paludisme. Edmond Sergent disait: "Quelle magnifique perspective s'ouvrirait pour la défense contre les fièvres du mon pays natal l'Algérie, tellement éprouvé par le paludisme, si la découverte de Ronald Ross était avérée!" Le Dr Roux lui répondit: "Allez la vérifier sur place29".

Edmond et Etienne Sergent se rendent célèbres par leur "campagne des gares" en 1902 contre le paludisme, qui a été comparée par l'hagiographie pastorienne à la démonstration du vaccin anticharbonneux à Pouilly-le-Fort. Le paludisme deviendra le thème scientifique majeur de l'Institut Pasteur d'Alger, célébré par Sergent dans un récit épique à propos de l'assainissement de la fertile région de la Mitidja30, d'autant qu'à cette épopée pastorienne on rattache l'œuvre d'Alphonse Laveran. Celui-ci a découvert l'hématozoaire du paludisme à Constantine, en 1880, bien avant la création de la maison mère parisienne, mais il est vrai que, dès 1984, il avait fait la démonstration de son parasite, rue d'Ulm, à Pasteur en personne dont il rejoignit l'institut en 189731. Trolard est oublié en 1908 quand Emile Roux et Albert Calmette négocient avec le gouverneur Jonnart les fonctions d'un institut Pasteur32 qui s'ouvre sous la houlette de Calmette puis passe sous la direction d'Edmond Sergent en 1909. L'institut est situé dans le quartier du Hamma, en face du Jardin d'Essai.

L'histoire des instituts Pasteur du Maroc est encore plus mouvementée33. C'est une vraie bifurcation qui la marque à l'origine. Le premier institut Pasteur dans ce pays est fondé à Tanger, et non dans une des capitales impériales. Rappelons que les sultans, ne tenant pas à entretenir des rapports trop rapprochés avec les représentants des puissances occidentales - France, Grande Bretagne, Allemagne, Espagne, qui interviennent de plus en plus dans la politique du Maghzen (du gouvernement marocain), ont assigné les diplomates au port de Tanger, ville franche aux marges du pays, où les étrangers sont nombreux à s'installer et à commercer. Le projet de Tanger correspond à la prise de conscience des enjeux sanitaires par le résident général Lyautey34, mais l'extraterritorialité de l'institut lui portera tort par la suite. Paul Remlinger, ancien directeur de l'Institut de Bactériologie de Constantinople35, reste directeur de celui de Tanger jusqu'à l'indépendance en 1956, mais son institut est désormais séparé du reste du pays par la zone espagnole et la zone franche internationale. Lors d'une festivité officielle célébrant l'establishment scientifique marocain, l'épisode de Tanger a été complètement omis par les discours, pour ne retenir que la création de l'institut de Casablanca. Le principe de la fondation de ce dernier a été posé dès 1928, mais il ne fonctionne vraiment qu'à partir de 1932. Georges Blanc, le disciple de Charles Nicolle, vient à sa tête, occupant donc le deuxième échelon de la généalogie (du savoir) par rapport à l'ancêtre Pasteur.

A ce stade, les instituts Pasteur des trois pays privilégient les rapports centripètes avec Paris. Les Archives des Instituts Pasteur d'Afrique du Nord, fusionnant les revues tunisienne et algérienne, n'ont en qu'une existence éphémère de 1921 à 1923. Les relations entre les instituts sont marquées par une hésitation fondamentale sur la stratégie à adopter dans le choix des thèmes de recherche scientifique et la distribution des rôles. Paul Remlinger, à son arrivée au Maroc, se dit d'ailleurs déçu de ce que la pathologie locale n'a rien de bien spécifique par rapport aux endémies métropolitaines et n'offre pas les mêmes opportunités de découvertes qu'à ses collègues partis dans la brousse africaine ou en Amérique latine. Une spécialisation s'amorce pourtant: le paludisme, les piroplasmoses bovine et ovine reviennent à l'Algérie; les rickettsioses (dont le typhus), la toxoplasmose36, les leishmanioses à Tunis, la rage et la tuberculose au Maroc. Mais une répartition des recherches entre les instituts est-elle compatible avec la prise en charge des pathologies locales? La valse-hésitation entre une spécialisation et une collaboration sur des sujets communs se complique de rivalités croissantes entre les directeurs. Edmond Sergent et Charles Nicolle sont en concurrence immédiate pour la paternité de la découverte du pou humain comme vecteur du typhus37. Sergent considère que Nicolle a été inspiré par ses propres recherches sur la transmission de la borréliose qui est une autre fièvre à poux. On se rappelle le célèbre récit de Nicolle sur sa découverte, qui inspire sa conférence Nobel en 1928: "Ce ne pouvait être que le pou, c'était le pou..."38. La découverte revendiquée avec netteté et brio par un homme sachant manier la plume n'était pourtant pas due à une intuition géniale, encore moins au hasard d'une rencontre avec un bédouin en loques effondré dans l'entrée de l'hôpital: elle s'est faite dans un milieu bouillonnant d'hypothèses sur les mécanismes de la transmission du fléau. A cette effervescence, Emile Sergent avait sans nul doute participé. Mais aussi des proches collaborateurs de Nicolle, comme Ernest Conseil39 et Charles Comte, bons connaisseurs des épidémies locales.

 

4. Histoire contemporaine: des trajectoires divergentes?

Au moment des indépendances des différents pays, la création d'une entité "Instituts Pasteur d'Afrique du Nord" ne s'impose pas par la vertu d'une alliance postcoloniale pourtant apparemment logique.

Le bey a refondé officiellement l'Institut Pasteur de Tunis par décret en1900, et cette décision peut être vue rétrospectivement comme marquant l'engagement de longue date d'une trajectoire nationale. Après l'occupation militaire par la France, la Tunisie était demeurée une régence, sous l'égide de la dynastie husseinide. A partir des décrets du bey fondant un institut national, devient possible une lecture en continuité de l'histoire tunisienne jusqu'à nos jours. L'Institut Pasteur de Tunis à l'indépendance peut se situer résolument dans la perspective d'une histoire régalienne qui s'accommode de l'intermède colonial. Paradoxalement, ce n'est pas à la déclaration de l'indépendance en 1956 mais pendant la deuxième guerre mondiale, en raison des divisions entre les Français, qu'il a frôlé la disparition, dans les années qui ont précédé l'indépendance. En 1936, Etienne Burnet, ancien de l'institut, revenu de l'Organisation d'hygiène de la Société des Nations, a succédé à Nicolle à la direction. C'était un vrai philosophe, un normalien élève de Bergson, un esprit ouvert. Burnet avait des sympathies pour les aspirations à la liberté des Tunisiens, qu'il avait manifestées en "adoptant" la première femme médecin tunisienne, Tewhida Ben Cheikh40. Après le départ des Allemands en 1943, l'institut a connu de véritables difficultés au retour des autorités françaises en Tunisie. Celles-ci ont lancé une véritable chasse associant les "collaborateurs" et les "nationalistes" qui avaient pu tirer parti de l'abaissement de la France41. Burnet fut mis à la retraite d'office par le résident général, et l'institut confié à un simple sous-directeur, jusqu'en 1949. Un fort mouvement d'opinion parmi les colons demandait le rattachement de l'institut à la maison mère de Paris. L'institut aurait acquis un statut de fondation privée qu'il n'avait jamais connu. La presse locale de l'époque témoigne de l'émotion parmi les Tunisiens42, mais le changement n'eut finalement pas lieu43, et Paul Durand, ancien coéquipier de Nicolle, devint directeur en 1949.

Après le bref passage de Jean Levaditi de 1960 à 1961, l'institut est stabilisé par l'accès à la direction d'Amor Chadli. Ce dernier cumule le poste de directeur avec la charge de premier doyen de la Faculté de médecine de Tunis, sans parler de ses fonctions de ministre, plusieurs fois exercées (santé, éducation), et de médecin du président Habib Bourguiba. Il devait rester aux commandes pendant vingt-cinq ans, accomplissant la prédiction de Khayr-ed-Din44. A la fin du 19e siècle, ce ministre tunisien réformateur avait souhaité l'arrivée de médecins aux affaires publiques: "Est-il possible que ceux qui sont destinés à être les médecins ignorent la nature du mal?"45

Cette continuité marquée d'une institution nationale au service de la santé publique a permis, lors du centenaire de l'institut de Tunis en 189346, de revendiquer un développement sans couture de la science tunisienne. J'avais parlé à l'époque d'une "Isnad" scientifique, évoquant la chaine de la transmission du savoir religieux (silsila), depuis les premiers témoins de la vie du Prophète. Selon les Pères blancs de l'Institut des Belles Lettres Arabes (IBLA) à Tunis, mon article aurait été interdit par la censure s'il avait été publié dans leur revue! Ma métaphore n'était pourtant pas volontairement provocatrice, j'avais seulement voulu souligner la régularité de la transmission du savoir47. La comparaison de la communauté pastorienne à un ordre religieux n'avait-t-elle pas été évoquée à plusieurs reprises de son histoire, en particulier par André Lwoff48?

Le destin relativement tranquille de l'Institut Pasteur de Tunis contraste avec les vicissitudes de celui d'Alger qui, comme le rappellent ses directeurs successifs, faillit sombrer à plusieurs reprises et fut refondé au moins trois fois49.

La première fois, ce fut après la politique de terre brûlée menée par l'équipe dirigeante de l'institut. Etienne Sergent resta en Algérie jusqu'en 196450, mais il avait cessé ses fonctions au moment des accords d'Evian. Première rupture de la transmission de la tradition pastorienne, dans le déchirement terrible du départ des pieds-noirs pour la métropole et la relève par une poignée de "pieds rouges"51 et de coopérants. De 1962 à 1970, l'institut d'Alger fonctionna avec des volontaires de bonne volonté, mais sans plan concerté de formation de l'élite professionnelle algérienne. A Tunis, c'était les techniciens formés sur place, héritiers du légendaire Majid Rahal, préparateur de Charles NicoIle, qui ont joué un rôle fondamental dans la transition post-coloniale, en attendant la génération montante des médecins et des biologistes52.

Par accord tacite, l'institut d'Alger resta lié à Paris, sous la direction de Robert Néel, venu de Tanger. L'institut servait alors principalement de laboratoire d'analyses médicales, en l'absence de structures équipées dans la capitale. En 1971, survient le décret sur l'algérianisation des personnels, dont l'application se heurte à des difficultés de recrutement. La même année, une ordonnance fait de l'institut un établissement public, doué de l'autonomie civile et financière, rattaché au Ministère de la Santé, mais il subsiste un certain flou sur son statut et ses liens avec l'ancienne métropole. Mustafa Ben Hassin en devient le directeur tout en étant à un moment ministre de la santé.

En 1988-1989, nouvelle crise. Néel avait ouvert l'institut aux universitaires. Les professeurs de la faculté de médecine exerçaient en même temps les fonctions de chefs de service de l'institut de façon officieuse. Les hospitalo-universitaires furent sommés de choisir, et leur départ vers les hôpitaux créa de nouveau un vide dans les rangs du personnel. C'était chaque fois un nouveau départ à prendre, un nouveau défi à relever. En 1995, vint la guerre civile qui ne facilita pas une croissance harmonieuse. Fadela Boulahbal, spécialiste de la tuberculose (une spécialisation ancienne de l'institut), devenue directrice, menacée de mort, vint se réfugier à Paris. Six directeurs se succédèrent ensuite à l'institut devenu l'Institut Pasteur d'Algérie, dont Mohammed Tazir et Miloud Belkaid.

L'histoire des instituts Pasteur du Maroc représente un troisième cas irréductible aux précédents. Le général Théodore Steeg qui vient d'Algérie au Maroc décide de créer deux instituts: l'Institut National d'Hygiène de Rabat, bras technique du Ministère de la Santé, et l'Institut Pasteur de Casablanca. L'Institut d'Hygiène, dirigé par Jules Colombani, est fondé en 1928, avec le soutien de la Fondation Rockefeller. Entre les deux guerres, la Fondation américaine mène en effet une politique active d'appui aux Ecoles d'hygiène et de santé publique, dans les Balkans et aussi au Maroc53. L'Institut Pasteur de Casablanca dirigé par Georges Blanc venu d'Athènes (qui restera trente ans à sa tête) a donc quelque mal à définir son terrain d'opération54. Il connaît néanmoins une période active de travaux scientifiques, centrés en particulier sur le typhus, et produit plusieurs vaccins dont le BCG. Pendant la deuxième guerre mondiale, le Maroc fabrique un vaccin contre le typhus, qui entre en compétition avec les vaccins de Cox et de Weigl, et celui de Paul Durand à Tunis55.

Après l'indépendance du pays en 1956, Blanc reste aux commandes jusqu'en 1962, suivi de Néel et de Marie-Augustin Chabaud. L'Institut Pasteur fonctionne ensuite surtout comme laboratoire d'analyses spécialisées, étant le seul à disposer des compétences techniques nécessaires. Avec l'extinction du typhus, l'intérêt pour ce domaine disparaît à l'institut.

L'Institut Pasteur de Casablanca a été nationalisé en 1967 et a acquis le statut d' Etablissement Public à vocation Industrielle et Commerciale (EPIC), distinct de celui d' Etablissement Pour la recherche Scientifique et Technique (EPST). En 1968, il perd même le nom de Pasteur pour devenir le Centre de sérums et de vaccins. Les Français réagissent en proposant au gouvernement marocain de lui céder l'Institut Pasteur de Tanger pour une somme symbolique de 100 dirhams, à condition que l'ensemble de Tanger et Casablanca prenne le nom d'Institut Pasteur du Maroc: une convention prévoit que le directeur soit nommé par accord entre Pasteur-Paris et les autorités marocaines. L'Institut de Tanger survit, tributaire de la région nord du pays, négligée par le pouvoir royal. Il s'arrête de fonctionner en 1989 et disperse sa documentation56. Des projets de reprise de l'activité de recherche sont actuellement en cours.

Abderrahman Alaoui succède à Chabaud en 1977, mais en 1983 laisse la place à un ancien médecin personnel du roi Hassan II, Abderrahman Touhami. Avec les successeurs, Tayeb Ben Cheikh, Mohamed Ben Slimane, l'Institut du Maroc est confronté aux mêmes problèmes que son homologue d'Algérie: le manque d'élites compétentes ou leur fuite vers le privé. La tentation est grande pour l'institut de fonctionner avant tout comme laboratoire d'analyses spécialisées, compte tenu des besoins grandissants de la population, ce qui assure le financement de la maison, mais fait passer la recherche au second plan. Un laboratoire de type P3 pour la sécurité est mis en place, mais pas vraiment utilisé. Ce sont l'arrivée des nouvelles élites marocaines et le développement de laboratoires privés d'analyses occupant le marché, qui vont permettre à l'institut de réoccuper une place dans la recherche, avec le concours de fonds internationaux.

 

5. Le réseau des instituts du Maghreb

Jeter les jalons d'une histoire des instituts du Maghreb pour le temps présent, voire se risquer à prolonger la trajectoire, tel est l'objet de notre dernier volet.

Une histoire comparée des trois institutions du Maghreb a permis de repérer des différences importantes dans le passé mais aussi révélé des convergences contemporaines. Les instituts sont confrontés à des questions communes qui touchent à la définition même de leurs objectifs, à leur positionnement par rapport à l'industrie pharmaceutique, aux politiques de santé publique, à l'enseignement et à la formation de spécialistes en biologie et en médecine, aux enjeux de la santé dite maintenant globale57 plutôt qu'internationale, et à la surveillance des maladies émergentes.

La plupart de ces problèmes structurels: statut de l'enseignement et réglementation des formations diplômantes, sort de la production de sérums, de vaccins et de remèdes, nécessité d'une modernisation des équipements et recherche de brevets, rôle dans la santé publique, sont en fait communs avec l'Institut Pasteur de Paris aussi bien qu'avec d'autres instituts associés dans le monde. Les instituts Pasteur maghrébins se positionnent aujourd'hui dans un paysage renouvelé. Ce n'est plus le vide des origines. Ils doivent donc trouver leurs marques:

- par rapport aux facultés de médecine et de sciences. Pendant longtemps, ils ont fourni une formation aux nouvelles biotechnologies, réputée mais rarement formalisée par un diplôme officiel. Il leur faut maintenant s'intégrer dans les filières d'enseignement dans le contexte des monopoles nationaux universitaires et se confronter à la compétition internationale.

- par rapport aux organisations ministérielles et aux directions nationales de l'hygiène. Leur fonction de centre de référence pour les examens biologiques, de recueil de l'information épidémiologique, leur mandat de défenseur de la santé publique, au sein d'un dispositif de plus en plus ramifié et complexe doivent être précisés et délimités.

Le schéma pastorien d'origine a été profondément retouché. En commençant par la pierre angulaire: la production de vaccins et sérums, destinés en particulier pour la composante vétérinaire, à assurer un fonds de roulement. Pendant la deuxième guerre mondiale, l'institut d'Alger a alimenté en vaccins la métropole dont les stocks étaient réquisitionnés par l'occupant. Mais à partir des années 1980, les instituts du Maghreb ont été touchés par une transformation commune à la plupart des instituts Pasteur: l'extinction programmée de la fabrication industrielle.

Après l'indépendance, l'Institut Pasteur de Tunis continua à produire le BCG comme Casa et Téhéran. Surtout il exerçait le monopole du contrôle scientifique des vaccins utilisés dans le pays. L'OMS critiqua cette activité, une source évidente de revenu, en arguant des possibles conflits d'intérêts pour les évaluateurs. Surtout, en 2009, le gouvernement du président Benali transféra les revenus liés aux taxes prélevées sur les vaccins importés contrôlés par l'institut, à la direction pharmaceutique, autrement dit fit basculer une prébende supplémentaire dans l'escarcelle de la famille mettant le pays en coupe réglée58. L'amertume de voir compromettre l'équilibre financier de l'institut, ainsi que des décisions arbitraires comme l'interruption du mandat du directeur Dellagi en 2005 (après dix-huit ans de service), ont contribué à détacher les élites pastoriennes du régime. En octobre 2010, au moment du colloque de Tunis, le mécontentement patent de l'équipe dirigeante, la critique voilée mais ferme de l'ancien directeur Amor Chadli, peuvent être vus rétrospectivement comme autant de signes avant-coureurs de l'effondrement du régime Benali, la première révolution du "printemps arabe", trois mois plus tard, le 11 janvier 2011. Le livre de Mémoires écrit par Amor Chadli59 avait, par précaution, été enterré dans son jardin, il fut exhumé et publié dans le mois qui suivit la destitution du président.

L'interruption de la production était survenue plus tôt à Paris. L'Institut Pasteur Production, sa branche pharmaceutique, créée sous forme d'une société anonyme en 1975 par Jacques Monod, a été supprimée en 1983. Cette rupture, en contradiction avec l'esprit original et les buts initiaux de l'institution pastorienne, est vue comme une nécessité en raison de la complexité croissante des procédures de standardisation et de contrôle des produits pharmaceutiques pour une production de masse. C'est pourtant un paradoxe que la production des molécules dérivant des travaux de biologistes désintéressés et financés pour la plupart sur fonds publics soit maintenant complètement aux mains de l'industrie pharmaceutique sur laquelle les pastoriens ne peuvent exercer aucun contrôle, dans un marché caractérisé par un resserrement continuel de la production des vaccins entre un petit nombre de firmes.

Au nombre des questions communes, est aussi celle de la contribution de la recherche biomédicale à l'amélioration de la santé publique. Dans le passé, les instituts Pasteur maghrébins ont contribué à l'élimination ou au contrôle de plusieurs épidémies et endémies sur leur sol: peste, choléra, trachome, bilharziose, paludisme, poliomyélite, tuberculose...60 L'orientation vers la recherche fondamentale a pu entraîner un relâchement de l'effort de "traduction" en découvertes pour l'amélioration de la santé publique et individuelle, attendue par le public pour qui le label Pasteur garde son aura. D'autre part,la doctrine pasteurienne avait étayé la promesse de l'éradication des maladies infectieuses. Après l'éradication de la variole en 1978, les plans prévoyant une répétition du scénario pour d'autres affections ont marqué le pas, l'heure est à la révision de ce programme devant les phénomènes dits d'émergence ou de réémergence des maladies infectieuses.

Enfin, le Grand Cours de microbiologie inauguré à l'ouverture de l'Institut Pasteur a formé pendant des années l'ensemble des pastoriens: plusieurs mois de travaux pratiques en bactériologie et immunologie forgeaient des liens pour la vie entre les élèves, vétérinaires, médecins, pharmaciens et biologistes, et aussi civils et militaires. Il a été progressivement démembré entre enseignements spécialisés qui attirent encore des stagiaires du monde entier, pas nécessairement francophones. Au moment où se dessine une diminution des flux d'étudiants transméditerranéens, en raison de la politique européenne malthusienne des visas, un enseignement transversalement assumé a plus que sa raison d'être. Une relance de l'organisation transversale des cours est envisagée, qui, comme à une époque, situerait l'immunologie à Tunis, la virologie au Maroc et la bactériologie en Algérie et pourrait préluder à une véritable organisation des instituts Pasteur du Maghreb.

 

6. Conclusion

Charles Nicolle avait rêvé d'être "l'empereur de la Méditerranée", une Méditerranée qui aurait inclus Marseille et se serait étendue à Téhéran61. Peut-on conclure sur l'avenir d'une entité qui s'appellerait les instituts Pasteur du Maghreb? On a vu que le passé colonial et post colonial immédiat n'a pas conduit à un véritable rapprochement des instituts. Aujourd'hui, les histoires politiques divergent à nouveau: deux républiques pour un royaume, maintenant une révolution sur trois, n'évoquent pas la fusion ni même le renforcement des alliances. Cependant le contexte a changé. Le réseau international des instituts Pasteur, restructuré en 2003, affiche un fonctionnement collectif plus démocratique et en même temps s'ouvre davantage sur l'ensemble du monde. Le terme de réseau, mot-clé du monde contemporain62, est synonyme de communication rapide et réticulée, sans contraintes géographiques. Il est aussi évocateur d'une nouvelle gouvernance, autre mot-clé de la politologie contemporaine, où le privilège du centre par rapport à la périphérie n'est plus de mise. Le jeu est ouvert et n'exclut donc pas les regroupements et les rapprochements inédits. Décréter un réseau n'efface pas magiquement les inégalités et les tensions entre les instituts, mais le réseau encourage une circulation accrue d'hommes et de femmes, de techniques et de produits, et des rapprochements inédits entre les différents pôles d'activité63.

L' Institut Pasteur s'était projeté à l'origine des espaces en essaimant dans les cinq continents, et des temps par son ancrage dans une révolution scientifique. L'organisation du Réseau International des Instituts Pasteur a marqué un changement structurel et idéologique. Il se développe dans des directions imprévues, des centres secondaires apparaissent, et Paris un jour pourrait n'être plus le centre. L'ensemble des instituts Pasteur du Maghreb pourrait s'autonomiser davantage, et aussi entrer en contact plus étroit avec d'autres secteurs de la planète comme le Canada, lieu de prédilection de la diaspora maghrébine, ou comme les pays du Golfe, en plein essor universitaire et qui développent des laboratoires, qui offrent des avantages aux chercheurs maghrébins, sans parler de la langue et de la culture communes. La comparaison des programmes génétiques lancés par les instituts du Maghreb, sur les conséquences de la consanguinité, avec les projets ambitieux dans le Golfe du "Génome arabe", à la recherche d'une spécificité biologique ethnique, serait intéressante à approfondir64.

L' institution pastorienne était liée aux vaccins. Même si le vaccin le plus célèbre, le vaccin antivariolique, avait été inventé longtemps avant 1888, le terme de vaccin élargi à tous les virus (au sens large) atténués a été une invention de Pasteur en 1882. Exemple concret caractéristique d'un certain désenchantement actuel. Les vaccins ne cessent de se multiplier, mais ils ne possèdent plus le caractère absolu qu'on leur attribuait auparavant. Les vaccins au stade expérimental contre le sida ou contre le paludisme ne protègent que partiellement et qu'un pourcentage de la population. Même les vaccins plus classiques, s'adressant à des bactéries connues depuis longtemps comme le pneumocoque et le méningocoque, ne procurent pas de protection à 100%.

Dans ce paysage épidémiologique et politique en mutation, qu'en sera-t-il de l'assise des instituts Pasteur du Maghreb? Une "mutualisation" des ressources et des banques de données et de substances biologiques serait bienvenue avec la création de "plateformes65", à l'heure où les budgets nécessaires dépassent les possibilités des pays. Quelles seront les réponses des instituts à la conjoncture actuelle? Quelles composantes de leur activité vont-ils privilégier? Quelle interprétation donneront-ils à leur histoire passée, présente et future? Sur quoi reposera leur identité dans vingt ans ou plus?

La réponse à toutes ces questions est à la fois politique et scientifique. L'identité pastorienne est en effet de nature mixte. Elle ne saurait se ramener à des dogmes scientifiques immuables ni même à des méthodes pasteuriennes: on sait bien que la biologie moléculaire a complètement transformé l'arsenal du laboratoire, et que le microscope de Louis Pasteur est entré au musée. L'identité pastorienne se reporte sur les "valeurs pastoriennes"66 énumérées dans la Charte, qui sont des valeurs culturelles et éthiques, une morale du travail rigoureux et de la vie d'équipe, et une référence historique qui donne sa couleur et sa physionomie propre à une communauté scientifique. L'avenir dira ce qu'il adviendra des instituts Pasteur du Maghreb, mais d'ores et déjà on peut considérer que cette entité est douée d'une vraie valeur d'indicateur de l'avenir des sociétés.

Ecrire l'histoire des instituts Pasteur du Maghreb revêt ainsi une dimension éthique. Elle concourt, suivant l'expression de Koussay Dellagi, à instaurer une "confiance en soi67" et en l'avenir, dans les instituts de recherche. Mais cet avenir n'est-il pas lié à la question d'une identité scientifique maghrébine commune? Tunis a répondu pour sa part à la question en suturant l'identité pastorienne coloniale et postcoloniale à l'héritage de la médecine arabe et non seulement arabe mais aussi grecque, latine, et persane68, qui est proprement le terreau de notre médecine moderne.

 

Références

1. Douglas, Mary. How institutions think. Syracuse: Syracuse University Press; 1986.         [ Links ]

2. Salomon-Bayet, Claire, éd. Pasteur et la révolution pastorienne. Paris: Payot; 1986.         [ Links ]

3. Contrepois, Alain. L'invention des maladies infectieuses. Paris: Editions des Archives Contemporaines; 2001.         [ Links ]

4. Moulin, Anne Marie. L'éradication des maladies, remède à la globalisation? In: Michaud, Yves, éd. Qu'est-ce que la globalisation? Paris: Odile Jacob; 2004, p. 207-228.         [ Links ]

5. Morange, Michel, Héd. L'Institut Pasteur, contributions à son histoire. Paris: La Découverte; 1991.         [ Links ]

6. Nora, Pierre, éd. Les lieux de mémoire. Paris: Gallimard; 1984.         [ Links ]

7. Moulin, Anne Marie. Patriarchal science. The network of the overseas Pasteur institutes. In: Petitjean, Patrick; Jami, Catherine; Moulin, Anne Marie, eds. Sciences and empires. Dordrecht: Kluwer; 1992, p. 307-322.         [ Links ]

8. Moulin, Anne Marie. L'Institut Pasteur au pluriel. Histoire du Réseau International des Instituts Pasteur (2003-2013). Médecine/Sciences. 2014; 30 (1): 99-102.         [ Links ]

9. Elle est absente de Rached, Roshdi, éd. L'Histoire des sciences dans le monde arabe. Paris: Seuil; 1997.         [ Links ] Voir, Moulin, Anne Marie. A la recherche de la science arabe. In: Kleiche, Mina; Waast, Roland éds. Géosciences. Paris: IRD Editions; à paraître.         [ Links ]

10. Gachelin, Gabriel. The building up of a culture of standardization at the Institut Pasteur,1885-1900 (cited 23 Sep 2015) Available from: https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00335350.         [ Links ]

11. Schwartz, Maxime; Perrot, Annick. Pasteur et ses lieutenants, Roux, Yersin et les autres. Paris: Odile Jacob; 2013.         [ Links ]

12. Demellier, Daniel. Les instituts Pasteur du Maghreb dans les archives de l'Institut Pasteur. Communication au colloque "Les instituts Pasteur du Maghreb: pratiques, contextes, réseaux", Institut Pasteur: Paris; 2014.         [ Links ]

13. Entretien avec Warda Aït Mezbah et Denise Ogilvie. Paris, oct 1995.         [ Links ]

14. Jacques Monod avait fait appel à un médecin du Corps de santé colonial pour occuper le poste nouvellement créé de délégué général aux instituts Pasteur d'Outre-Mer et à la coopération. Médecin militaire, le général Durosoir a assuré cette fonction de 1970 à 2000.

15. J'écrivis à la demande un texte qui à ma connaissance ne fut jamais diffusé.

16. Moulin, Anne Marie. Charles Nicolle savant tunisien. Archives de l'Institut Pasteur de Tunis. 1994; 71: 355-370.         [ Links ]

17. Ben Nefissa, Kmar; Moulin, Anne Marie; Dellagi, Koussay. La rage en Tunisie au 19e siècle: recrudescence ou émergence? Gesnerus. 2007; 64: 173-192.         [ Links ]

18. Pelis, Kim. Charles Nicolle, Pasteur's imperial missionary. Typhus and Tunisia. Rochester: Rochester University Press; 2006.         [ Links ]

19. Maurice Huet vient de disparaître en 2014.

20. Moulin, Anne Marie. Les instituts Pasteur de la Méditerranée arabe: une religion scientifique en pays d´Islam. In: Longuenesse, Elizabeth, éd. Santé, médecine et société dans le monde arabe. Paris: L´Harmattan; 1995, p. 129-164.         [ Links ]

21. Dedet, Jean-Pierre. Les instituts Pasteur d'outre-mer: cent-vingt ans de microbiologie française dans le monde. Paris: L'Harmattan; 2000, p. 70-101.         [ Links ]

22. Moncef Zitouna, Mohamed; Haouet, Slim; Mouaffak, Fayçal. Bechir Dinguizli, vie et oeuvre du premier tunisien musulman docteur en médecine, 1869-1934. Tunis: Centre de Publication Universitaire; 2003;         [ Links ] Moulin, Anne Marie. Le médecin du Prince. Paris: Odile Jacob; 2010, p. 131-136.         [ Links ]

23. Moreau, Louis. L´oeuvre scientifique de l´Ecole de médecine d´Alger. Revue Africaine. 1905; 43: 458-62.         [ Links ]

24. Dinguizli, Béchir. La vaccination antivariolique (thèse doctorale). Université de Bordeaux, 1897.         [ Links ]

25. Dana, Raoul; Uzan, Maurice; Didier, Raymond, dirs. El Materi, Mahmoud. Médecine et médecins de 1902 à 1952. Tunis: Société des sciences médicales de Tunisie; 1952, p. 197-199.         [ Links ]

26. Janssens, Pieter; Wery, Marc; Paskoff, Sonia. Adrien-Charles Loir, pastorien de première génération. Bulletin de l'Académie Royale des Sciences d'Outre-Mer. 2000; 25 (1): 129-145.         [ Links ]

27. Huet, Maurice. Le pommier et l'olivier, Charles Nicolle, une biographie (1866-1936). Montpellier: Sauramps médical; 1995.         [ Links ]

28. Hugo, Victor. La Légende des siècles. Paris: Michel Lévy Frères; 1859, préface.         [ Links ]

29. Sergent, Edmond. Les Travaux scientifiques de l'Institut Pasteur en Algérie de 1900 à 1962. Paris: Presses universitaires de France; 1964, p. 13.         [ Links ]

30. Sergent, Edmond; Sergent, Emile. Histoire d'un marais algérien. Alger: Institut Pasteur d'Algérie; 1947.         [ Links ]

31. Laveran, Alphonse. Protozoa as the causes of diseases. Nobel Lectures, Physiology and Medicine. Amsterdam: Elsevier; 1907, p. 264-271.         [ Links ]

32. Moulin, Anne Marie. Tropical without tropics. The turning-point of Pastorian medicine in North Africa. In: Arnold, David, ed. Warm climates and western medicine: The emergence of tropical medicine, 1500-1900. Amsterdam: Rodopi; 1996, p. 160-180.         [ Links ]

33. Moussaoui, Driss; Roux-Dessarps, Michel, éds. Histoire de la médecine au Maroc et dans les pays musulmans. Casablanca: Association marocaine d'histoire de la médecine; 1995.         [ Links ]

34. Martínez-Antonio, Francisco Javier. "L'année de la peste": Santé publique et impérialisme français au Maroc autour de la crise d'Agadir. Mélanges de la Casa de Velázquez. 2014; 44 (1): 251-273.         [ Links ]

35. Moulin, Anne Marie. L'hygiène dans la ville: la médecine ottomane à l'heure pastorienne (1887-1908). In: Dumont, P.; Georgeon, F. éds. Les villes ottomanes à la fin de l'Empire. Paris: L'Harmattan; 1992, p. 186-209.         [ Links ]

36. Moulin, Anne Marie. Historical introduction. The Pasteur Institute's contribution. Forum on the immunobiology of toxoplasma. Research on Immunology. 1993; 144: 8-13, 68-70.         [ Links ]

37. Sergent, Edmond. Le pou, inoculateur de maladies humaines. Aperçu historique. Archives de l'Institut Pasteur de Tunis. 1959; 36: 307-319.         [ Links ]

38. Lot, Germaine. Charles Nicolle et la biologie conquérante. Paris: Seghers; 1961, p. 39.         [ Links ]

39. Zitouna, Mohamed Moncef. L'hôpital de la Rabta, un siècle d'histoire. Tunis: Simpact; 1994.         [ Links ]

40. "Il osa ce que personne avant lui n'avait tenté dans cette Afrique du Nord depuis l'occupation française. En emmenant à Paris cette jeune adolescente musulmane, il la fit sortir de la vie séculaire dans laquelle est encore enfermée la femme arabe, et l'éleva d'emblée par une instruction supérieure, au plan des femmes d'élite de l'Europe (...) Cette jeune femme, après ses études à Paris et cependant aussi bonne musulmane à son retour qu'à son départ, était préparée, moralement et intellectuellement, à rendre service à son pays". Burnet, Lydia. Etienne Burnet, un humaniste français de ce temps. Tunis: Bascone et Muscat; 1939, p. 229.         [ Links ]

41. Zmerli, Sadok. Espoirs et déceptions en Tunisie, 1942-1943. Tunis: Maison tunisienne de l'édition; 1971;         [ Links ] Mestiri, Said. Moncef Bey. Tunis: Sud Editions; 2008.         [ Links ]

42. Chadli, Amor. Bourguiba tel que je l'ai connu. La Transition Ben Ali-Bourguiba. Tunis: Berg Edition; 2011.         [ Links ]

43. Le Dr Ahmed Ben Miled, figure du médecin social et fondateur du premier dispensaire urbain à Tunis, avait conservé tout le dossier, au témoignage de Koussay Dellagi dans le Séminaire sur l'histoire orale des instituts Pasteur du Maghreb, Tunis, 1 et 2 juin 2012.

44. Hedi Cherif, Mohamed; Henia, Abdelhamid. Individu et pouvoir dans les pays islamo-méditerranéens. Paris: Maisonneuve et Larose; 2005.         [ Links ]

45. Khayr-ed-Din. Essais sur les réformes nécessaires aux Etats musulmans (1867-1868). Paris: Édisud; 1987, p. 87.         [ Links ]

46. Actes du Centenaire de l'Institut Pasteur de Tunis. Archives de l'Institut Pasteur de Tunis. 1994; 71.         [ Links ]

47. Moulin, Anne Marie. Une généalogie scientifique: l'"Isnad" de Tunis (1883-1993). In: Abir-Am, P.G. éd. La mise en mémoire de la science. Pour une ethnographie historique des rites commémoratifs. Paris: Editions des Archives Contemporaines; 1998, p. 207-224.         [ Links ]

48. Perret, Christophe. Les figures du sacré à l'Institut Pasteur. L'Homme. 2005; 3: 175-176, 345-368.         [ Links ]

49. Témoignages dans le Séminaire sur l'histoire orale des instituts Pasteur du Maghreb, Tunis, 1 et 2 juin 2012.

50. Dedet, Jean-Pierre. L'Algérie d'Edmond Sergent, directeur de l'Institut Pasteur d'Algérie (1912-1962). Paris: Editions Callimages; 2010.         [ Links ]

51. Djelfaoui, Abderrahmane. Maqamat de Jean-Paul Grangaud: un itinéraire d'Alger à El-Djazaïr. Alger: Casbah Éditions; 2000.         [ Links ]

52. Témoignages d'Amor Chadli et de Koussay Dellagi dans le Séminaire sur l'histoire orale des instituts Pasteur du Maghreb, Tunis, 1 et 2 juin 2012.

53. Weindling, Paul, ed. International Health Organisations and Movements, 1918-1939. Cambridge: Cambridge University Press; 1995.         [ Links ]

54. Waast, Roland; Kleiche, Mina. Le Maroc scientifique. Paris: Publisud; 2008.         [ Links ]

55. Weindling, Paul. La "Victoire par les vaccins". In: Moulin, Anne Marie. L'aventure de la vaccination. Paris: Fayard; 1995, p. 229-247.         [ Links ]

56. Kleiche, Mina. Evaluation du système de recherche scientifique et technique au Maroc (rapport non publié). Paris, 2002.         [ Links ]

57. Fassin, Didier. That obscure object of global health: medical anthropology at the intersections. In: Inhorn, Marcia; Wenzell, Emily, eds. Medical anthropology at the intersections. Durham: Duke University Press; 2012, p. 95-115.         [ Links ]

58. Beau, Nicolas; Graciet, Catherine. La régente de Carthage. Main basse sur la Tunisie. Paris: La Découverte; 2009.         [ Links ]

59. Chadli, n. 42.

60. Gaumer, Benoit. L'organisation sanitaire en Tunisie sous les Français (1881-1956). Un bilan ambigu et contrasté. Sainte-Foy: Presses Universitaires de Laval; 2007.         [ Links ]

61. Pelis, Kim. Prophet for profit in French North Africa: Charles Nicolle and the Pasteur Institute of Tunis, 1903-1936. Bulletin of the History of Medicine. 1997; 71: 583-622.         [ Links ]

62. Williams, Raymond. A vocabulary of culture and society. London: Fontana/CroomHelm; 1976;         [ Links ] Callon, Michel. La science et ses réseaux. Genèse et circulation des faits scientifiques. Paris: La Découverte; 1988.         [ Links ]

63. Arvanitis, Rigas, coord. ESTIME. Towards science and technology evaluation in the Mediterranean countries. Final report. Evaluation of scientific, technology and innovation capabilities in Mediterranean countries. Project INCO 2004-510696, 2008 (cited 23 Sept 2015). Available from: https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CCAQFjAAahUKEwj4-ZHYs43IAhWGPRoKHcgpDkA&url=http%3A%2F%2Fwww.estime.ird.fr%2FIMG%2Fpdf%2FFINAL_report_ESTIME-2.pdf&usg=AFQjCNEMaJlPfURdzjgR8WEshhgwct33Kw&bvm=bv.103388427,d.d2s&cad=rja.         [ Links ]

64. Pancera, A., et al. First lessons learnt from the Mediterranean ERA-WIDE projects, Options méditérranéennes, B num. 71. In: Chaabouni, Refaat, ed. Moving forward in the Euro-Mediterranean Research and Innovation Partnership, The experience of the MIRA project. Bari: CIHEAM; 2013, p. 62-78.         [ Links ] Romdhane, Lilia; Abdelhaq, Sonia. Genetic disorders in North African Populations. New York: Oxford University Press; 2012.         [ Links ]

65. Keating, Peter; Cambrosio, Alberto. Biomedical platforms. Realigning the normal and the pathological in the late twentieth-century. Cambridge: Cambridge University Press; 2003.         [ Links ]

66. La Charte des valeurs pastoriennes a été promulguée à l'intérieur du réseau international des instituts Pasteur en 2004, signée par tous les membres du réseau et assortie d'une "Déclaration des valeurs pasteuriennes partagées".

67. Témoignages dans le Séminaire sur l'histoire orale des instituts Pasteur du Maghreb, Tunis, 1 et 2 juin 2012.

68. Ben Miled, Ahmed. Histoire de la médecine arabe en Tunisie. Tunis: Éditions Carthaginoiseries; 2012.         [ Links ]

 

 

Fecha de recepción: 5 de abril de 2015
Fecha de aceptación: 30 de marzo de 2016

Creative Commons License Todo el contenido de esta revista, excepto dónde está identificado, está bajo una Licencia Creative Commons