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Revista de Bioética y Derecho

versión On-line ISSN 1886-5887

Rev. Bioética y Derecho  no.57 Barcelona  2023  Epub 24-Jul-2023

https://dx.doi.org/10.1344/rbd2023.57.41721 

DOSIER DE TELEMEDICINA

Grâce au développement dérogatoire pendant le COVID-19, la télémédecine en France est mieux encadrée juridiquement et plus accessible

Gràcies al desenvolupament derogatori durant la COVID-19, la telemedicina a França està més ben regulada legalment i és més accessible

Gracias al desarrollo derogatorio durante la COVID-19, la telemedicina en Francia está mejor regulada legalmente y es más accesible

Thanks to the derogatory development during the COVID-19, telemedicine in France is better legally regulated and more accessible

Anne-Marie Duguet (orcid: 0000-0002-9863-230X)* 

*SMD PhD, Maitre de conférences Emérite UMR Inserm Cerpop Université Paul Sabatier Toulouse, Chaire UNESCO Ethique Sciences et Société (France). Université Paul Sabatier Toulouse. (France)

Resume

La télémédecine existe depuis les années 1980 et met en relation um patient à distance avec un médecin ou un professionnel de la santé qui échange des données numériques grâce à des outils informatiques. L'Ordre des médecins considère que les nouvelles technologies facilitent l'accès aux soins et à l'expertise, même si cela va à l'encontre des principes éthiques fondamentaux. Elle se substitue à l'acte médical traditionnel, et il est nécessaire de s'interroger sur sa pertinence et sur l'intérêt de ses conditions d'application pour le patient. Pendant l'épidémie de COVID-19, les conditions de la télémédecine ont été assouplies et le système d'assurance maladie a facilité son remboursement de manière dérogatoire. Les professionnels de la santé, les établissements de soins et les patients ont pu apprécier les nouvelles possibilités offertes par la télémédecine et en reconnaître les limites. Cependant, la sécurité n'est pas la principale préoccupation des patients, qui utilisent largement les outils informatiques pour surfer sur Internet et considèrent la médecine à distance comme un exercice facilement accessible sans en connaître les limites. Ils ne font pas de distinction entre la télémédecine clinique sous contrôle médical et les services de santé en ligne proposés sur Internet, qui sont des offres commerciales de bien-être. Dans cette présentation, nous décrirons d'abord l'évolution de la télémédecine, mise en œuvre depuis longtemps en France sous diverses formes, puis le développement spectaculaire des téléconsultations lors de l'épidémie COVID-19, dont les conséquences bénéfiques permettent une meilleure accessibilité et un meilleur remboursement par la sécurité sociale.

Mot-clés: télémédecine; régulation; COVID 19; dérogations; acte médical; remboursement

Resum

La telemedicina existeix des dels anys 80 i posa en contacte a distància a un pacient amb un metge o professional sanitari que intercanvia dades digitals mitjançant eines informàtiques. L'Ordre de Metges considera que les noves tecnologies faciliten l'accés a les cures i als coneixements especialitzats, encara que vagi en contra de principis ètics fonamentals. Es tracta d'un substitut de l'acte mèdic tradicional, i cal qüestionar-se la seva pertinència i si les condicions d'aplicació aporten un benefici al pacient. Durant l'epidèmia de COVID-19, les condicions per a la telemedicina es van relaxar i el sistema d'assegurances sanitàries va facilitar el seu reemborsament de manera derogatòria. Els professionals sanitaris, les institucions sanitàries i els pacients van poder apreciar les noves possibilitats que ofereix la telemedicina i reconèixer les seves limitacions. No obstant això, la seguretat no és la principal preocupació dels pacients, que fan un ampli ús de les eines informàtiques per a navegar per Internet i consideren la medicina a distància com un exercici de fàcil accés sense conèixer els seus límits. No distingeixen entre telemedicina clínica sota supervisió mèdica i serveis de salut electrònica oferts per Internet, que són ofertes comercials de benestar. En aquesta presentació exposarem en primer lloc l'evolució de la telemedicina, implantada des de fa temps a França sota diverses formes, i a continuació l'espectacular desenvolupament de les teleconsultes durant l'epidèmia de COVID-19, les beneficioses conseqüències de la qual permeten una millor accessibilitat i reemborsament per part de la seguretat social.

Paraules clau: telemedicina; reglament; COVID 19; excepcions; acte mèdic; reemborsament

Resumen

La telemedicina existe desde los años 80 y pone en contacto a distancia a un paciente con un médico o profesional sanitario que intercambia datos digitales mediante herramientas informáticas. La Orden de Médicos considera que las nuevas tecnologías facilitan el acceso a los cuidados y a los conocimientos especializados, aunque vaya en contra de principios éticos fundamentales. Se trata de un sustituto del acto médico tradicional, y hay que cuestionarse su pertinencia y si las condiciones de aplicación aportan un beneficio al paciente. Durante la epidemia de COVID-19, las condiciones para la telemedicina se relajaron y el sistema de seguros sanitarios facilitó su reembolso de forma derogatoria. Los profesionales sanitarios, las instituciones sanitarias y los pacientes pudieron apreciar las nuevas posibilidades que ofrece la telemedicina y reconocer sus limitaciones. Sin embargo, la seguridad no es la principal preocupación de los pacientes, que hacen un amplio uso de las herramientas informáticas para navegar por Internet y consideran la medicina a distancia como un ejercicio de fácil acceso sin conocer sus límites. No distinguen entre telemedicina clínica bajo supervisión médica y servicios de salud electrónica ofrecidos por Internet, que son ofertas comerciales de bienestar. En esta presentación expondremos en primer lugar la evolución de la telemedicina, implantada desde hace tiempo en Francia bajo diversas formas, y a continuación el espectacular desarrollo de las teleconsultas durante la epidemia de COVID-19, cuyas beneficiosas consecuencias permiten una mejor accesibilidad y reembolso por parte de la seguridad social.

Palabras clave: telemedicina; reglamento; COVID 19; excepciones; acto médico; reembolso

Abstract

Telemedicine has existed since the 1980s and puts a patient in contact with a doctor or health professional at a distance who exchanges digital data using computer tools. The Ordre des Médecins considers that new technologies facilitate access to care and specialised expertise, even if it goes against fundamental ethical principles. It is a substitute for the traditional medical act, and one must question its relevance and whether the conditions of implementation bring a benefit to the patient. During the COVID-19 epidemic, the conditions for telemedicine were relaxed and the health insurance system facilitated its reimbursement in a derogatory manner. Healthcare professionals, healthcare institutions and patients were able to appreciate the new possibilities offered by telemedicine and recognize its limitations. However, safety is not the main concern of patients, who make extensive use of IT tools to surf the Internet and consider remote medicine as an easily accessible exercise without knowing its limits. They do not distinguish between medically supervised clinical telemedicine and e-health services offered over the Internet, which are commercial wellness offerings. In this presentation, we will first describe the evolution of telemedicine, which has long been implemented in France in various forms, and then the spectacular development of teleconsultations during the COVID-19 epidemic, the beneficial consequences of which allow better accessibility and reimbursement by social security.

Keywords: telemedicine; regulation; COVID 19; derogations; medical act; reimbursement

1. Presentation

La télémédecine est une médecine à distance utilisant des systèmes de télécommunication pour transmettre des données et qui a pour objectif un acte de diagnostic, la prescription d'un traitement ou d'examens médicaux, la surveillance d'un suivi médical etc. Elle met en relation un patient et son médecin ou avec des professionnels de santé, ou des médecins entre eux.

Deux questions se posent : la distance avec le patient qui transforme la relation médecin-malade et la transmission d'informations et de données médicales qui doit être sécurisée pour en assurer la confidentialité.

Ces nouvelles formes d'exercice vont à l'encontre du principe déontologique fondamental du colloque singulier entre le médecin et son patient et qui passe par un examen direct du patient. Or, à distance cet examen n'a pas lieu. L'acte de télémédecine est donc un substitut de l'acte médical traditionnel, et on doit s'interroger sur sa pertinence et si les conditions de mise en œuvre apportent un bénéfice au patient.

La sécurité dans la transmission des données est assurée par des dispositifs techniques qui respectent les recommandations de la CNIL et les règlements sur la protection des données. Or la sécurité n'est pas la préoccupation première des patients qui utilisent largement les outils informatiques pour naviguer sur internet et voient davantage la médecine à distance comme un exercice facile d'accès sans prendre la mesure de ses limites. Ils ne font pas la différence entre la télémédecine clinique sous contrôle médical et les services de e-santé proposés sur internet qui sont des offres marchandes de bien-être1.

Dans cette présentation sera exposé tout d'abord l'évolution de la télémédecine qui s'est installée en France depuis longtemps sous diverses formes, puis le développement spectaculaire des téléconsultations pendant l'épidémie du COVID-19, permettant une accessibilité plus facile et un remboursement par la sécurité sociale.

2. Evolution de la télémédecine jusqu'en 2020

2.1. Histoire de la télémédecine en France

La France a été pionnière dans la télémédecine par la création, en 1972, des SAMU (Service d'aide médicale d'urgence) qui envoyaient des véhicules médicalisés avec des professionnels de santé au domicile des patients ou sur les lieux des accidents afin de faciliter leur orientation vers les services de soins ou d'hospitalisation les plus adéquats. Les communications se faisaient par des ondes radio sur une fréquence protégée entre professionnels de santé. Les services d'aide médicale d'urgence ont continué à se développer avec des moyens techniques et humains pour acheminer les patients vers les établissements de soins.

La médecine à distance s'est développée également au sein des hôpitaux grâce au développement du numérique. Les résultats des examens biologiques produits par des automates sont numérisés ainsi que l'imagerie médicale (scanners et IRM). Dans les hôpitaux ces données transitent entre les services grâce aux serveurs numériques et il est devenu possible de les transmettre facilement entre les hôpitaux. C'est ainsi que la télémédecine s'est installée initialement dans les hôpitaux pour permettre la transmission de données d'imagerie en neurochirurgie par exemple afin de décider ou non du transfert du patient vers une unité plus spécialisée d'un autre établissement pour y être opéré si l'indication est posée. Cette télé expertise est alors une activité complémentaire du service d'imagerie, avec un local spécifique pour assurer la confidentialité et la sécurité des transmissions. La traçabilité des accès et un archivage des comptes-rendus sont organisés. Le responsable du traitement des données doit s'assurer que ces dernières sont recueillies en respectant les obligations imposées par la loi informatique et libertés (et plus tard par le RGPD).

Malgré l'autorisation de la télémédecine par la loi en 2004 comme pratique médicale, on a pu observer des résistances à la mise en place parce que ces actes n'étaient pas remboursés par l'assurance maladie et que les supports techniques étaient onéreux pour les cabinets médicaux privés.

2.1.1. Télémédecine et déontologie

La télémédecine constitue une pratique nouvelle bousculant les principes déontologiques traditionnels de la relation médecin-malade et soulève des questions de respect de la confidentialité et de sécurité des données échangées.

Plus encore l'idée de téléconsultation est mal acceptée parce que la relation médecin patient est différente, les médecins la considèrent incomplète. En effet, l'examen en présence du patient permet d'identifier tout le message non verbal dans le comportement et la gestuelle qui n'est certainement pas observé de la même manière dans une image transmise au travers d'un écran. Le ressenti et les émotions ne sont pas perceptibles aussi clairement et il est difficile d'établir un climat de confiance à distance surtout si le professionnel n'a pas rencontré le patient et n'a pas établi une relation de soins.

Le Conseil national de l'Ordre des médecins dans sa séance du 8 février 2018 salue, en prenant en compte le rapport parlementaire, les promesses de la télémédecine. Il considère que les nouvelles technologies facilitent l'accès aux soins et à l'expertise spécialisée. La télémédecine permet le suivi à distance de patients atteints de pathologies au long cours par des dispositifs connectés et intègre des moyens d'assistance faisant appel à l'Intelligence Artificielle. Cependant le CNOM s'inquiète du fait que les prestations proposées directement par des plateformes privées des assurances de santé complémentaires ou des mutuelles créent une rupture concurrentielle dans l'organisation territoriale et le parcours de soins. Puisqu'elles sont accessibles 7 jours/7 et 24h/24, on peut craindre une " Ubérisation " des prestations médicales2 dès lors que ces plateformes proposent un service médical à la carte, comme un produit commercial, en opposition totale avec l'article 19 du code de déontologie3 qui dit que la médecine ne saurait être pratiquée comme un commerce.

Une dérive commerciale4 pourrait résulter d'une réduction excessive des protections réglementaires. Une prise en charge des patients, exclusivement en téléconsultation porterait atteinte aux exigences déontologiques de qualité, de sécurité et de continuité des soins. Si les professionnels des plateformes commerciales se limitaient à la pratique exclusive de la téléconsultation, ce serait une perte de l'expérience clinique, c'est pourquoi la Caisse d'assurance maladie limite les actes de téléconsultation à 20% du volume d'activité globale de chaque praticien.

2.2. Le cadre réglementaire de la télémédecine

L'installation de la télémédecine comme activité médicale a été laborieuse, son principe a été accepté avec des réserves, puis autorisé et enfin remboursé par l'assurance maladie5, reconnaissant ainsi pleinement sa qualification d'acte médical avec un tiers numérique.

En 2004, l'article 32 de la loi 2004-810 relative à l'assurance maladie donne une première définition de la télémédecine qui met en contact un patient et un médecin dans le respect des obligations déontologiques. En 2009, la loi " Hôpital patients territoires " (HPST) dite loi Bachelot, définit une nouvelle organisation sanitaire et médicosociale pour une offre de soins accessible à tous sur l'ensemble du territoire, et définit la télémédecine dans l'article 78:

"La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d'autres professionnels apportant leurs soins au patient.

Elle permet d'établir un diagnostic, d'assurer pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d'effectuer une surveillance de l'état des patients... ". (article L.6316-1 CSP).

Le décret 2010-1229 du 19 octobre 2010 précise les conditions de mise en œuvre dans les articles R 6316-2 et suivants du CSP : le consentement libre et éclairé de la personne (qui peut être donné par voie électronique) à la consultation à distance et aux échanges d'informations personnelles par le biais de technologies de l'information et de la communication, sauf opposition de la personne dûment informée de ces échanges.

Les activités de télémédecine sont organisées dans le cadre de conventions qui définissent les relations entre les professionnels. Ces derniers doivent avoir une formation et des compétences techniques requises pour l'utilisation des dispositifs de communication et respecter les dispositions relatives à la protection des données de santé à caractère personnel.

Il s'agit d'un décret important puisqu'il autorise la téléconsultation et précise les conditions de réalisation des activités déjà en place.

2.2.1. Les activités de télémédecine autorisées par le décret de 2010

Cinq activités sont définies dans l'article R.6316 du CSP : téléconsultation, télé-expertise, télésurveillance, téléassistance médicale, régulation des SAMU. Rappelons ici que les actes n'étaient pas remboursés par l'assurance maladie. Seules la télé-expertise et la télésurveillance étaient organisées sur le budget des établissements de soins publics et privés.

Plusieurs conditions générales sont à réunir avant de pratiquer un acte de télémédecine : le consentement libre et éclairé de la personne (Art R.6316-2 CSP), l'authentification des professionnels et l'identité du patient, la préparation du patient à l'utilisation du dispositif (Art R.6316-3 CSP), inclusion dans le dossier du patient (Art R. 63616-4 CSP) du compte-rendu de l'acte avec le nom des professionnels, la date et l'heure , les actes et les prescriptions réalisées et les incidents techniques éventuellement survenus, l'utilisation d'un hébergeur de données conforme aux référentiels d'interopérabilité et de sécurité (art R 6316-10 CSP).

2.2.2. La sécurité des données numérisées

La sécurité des données numérisées repose sur trois conditions6: la possibilité d'accès, l'absence de modification et la confidentialité (seuls les destinataires de l'information en ont connaissance). Les traitements de données à caractère personnel utilisés pour la mise en œuvre des actes de télémédecine ne font l'objet d'aucune déclaration à la CNIL. Toutefois, ils doivent être conformes aux dispositions des articles R.1110-1 et suivants du code de santé publique issu du décret de confidentialité du 17 mai 2007 et des référentiels sur la politique de sécurité et de sécurisation des accès. Les utilisateurs disposent d'un dispositif d'authentification forte pour leur donner les accès nécessaires (mots de passe, carte à puces...) et chacun reçoit un identifiant unique. La gestion des habilitations des utilisateurs doit être organisée pour limiter les accès aux seules données qui leurs sont strictement nécessaires. Des niveaux d'habilitations différents et un dispositif de gestion des traces et des incidents doivent, par ailleurs, être créés en fonction des besoins des utilisateurs. Enfin, en tant que responsable du traitement, le professionnel de santé doit veiller à ce que le patient ait été informé de façon claire et transparente sur les motifs de la collecte des données, les finalités du traitement et les modalités d'exercice de ses droits (droit d'accès, de rectification, possibilité d'effectuer une réclamation auprès de la CNIL...).

2.2.3. Des mesures expérimentales

En 2014, la loi de financement de la sécurité sociale a prévu des programmes expérimentaux de télémédecine dans son article 36. Le programme Etapes (Expérimentations de Télémédecine pour l'Amélioration des Parcours En Santé) évalue pour 4 ans la télésurveillance au domicile de patients atteints d'une des 5 maladies chroniques. D'après le Snitem, fin août 1019, 31000 personnes en avaient bénéficié : insuffisance cardiaque chronique (2200), insuffisance rénale chronique (255), insuffisance respiratoire chronique appareillée (428), diabète (1070) et troubles du rythme cardiaque traités par dispositifs implantables (27000)7.

L'Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire soutient depuis 2015 le Portail coopératif de plateforme régionale e e-santé QIMED pour la fourniture et le déploiement de la solution technologique, socle interopérable avec hébergement de données agréées par le Ministère de la santé8. 2 programmes sont proposés : télé-AVC et télé-gériatrie déployé dans les EHPADs.

Télé-AVC propose en moins de 4h 30 un diagnostic et une meilleure stratégie thérapeutique avec l'expertise de spécialistes de CHU. Le dispositif de téléconsultation développé en EHPAD est une prise en charge coordonnée dans le cadre du parcours de soins pour une vingtaine d'établissements grâce à la mise en contact d'experts spécialistes des escarres, des troubles du comportement, de soins palliatifs etc.

D'après le bilan publié en 2017 dans un rapport au parlement9 ce programme expérimental a permis de préciser les modalités de la télé expertise et de la téléconsultation, proposé des cahiers des charges pour la télé surveillance de 3 pathologies chroniques : insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire et insuffisance rénale. La télésurveillance du diabète fait déjà l'objet d'un cahier des charges publié par l'arrêté du 25 avril 2017. Le programme a confirmé que la télémédecine favorisait la prise en charge des personnes âgées dans les territoires fragiles et renforçait le lien ville-hôpital entre le centre hospitalier de Loire Vendée Océan, 15 EHPADs et une maison de santé pluridisciplinaire. La télésurveillance facilite le travail en équipe pluriprofessionnelle pour l'insuffisance cardiaque. Des difficultés ont été soulignées pour le remboursement et la facturation, l'intégration de la télémédecine dans le parcours du patient.

2.2.4. Quel service médical rendu par la télémédecine?

Le rapport du haut conseil de la santé publique (2017)10 met l'accent sur les activités et expériences de télémédecine qui ont fait leurs preuves. Pour l'activité médicale, les réunions de concertation pluridisciplinaires en cancérologie fonctionnent parfaitement grâce à la télé-expertise. L'apport de la télémédecine dans la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux est reconnu internationalement parce qu'elle permet la mise en œuvre d'un traitement thrombolytique dans les suites immédiates de l'accident vasculaire et qui ne peut être débuté après un certain délai de transport. La télédermatologie bénéficie des qualités techniques de la reconnaissance d'images. Pour un meilleur accès aux soins des patients en EHPAD la télémédecine est un instrument complémentaire dans la gamme des soins, évite des attentes, des déplacements inutiles et donne un accès direct aux avis de spécialistes et de facilité la coopération entre professionnels notamment dans le télé soin.

Le rapport souligne les freins au développement, l'aspect financier et le remboursement des actes viennent en premier. Ces points soulignés en 2017 ont été résolus après la crise du COVID. Quelques soignants restent toutefois réticents et devraient bénéficier de formations à l'utilisation des outils numériques.

3. Dérogations pendant la COVID-19 et conséquences sur l'exercice de la télémédecine

Peut-on considérer que la téléconsultation constitue un substitut acceptable à la consultation au cabinet médical ? Oui dans des circonstances exceptionnelles, comme pendant l'épidémie du COVID-19 où des mesures dérogatoires ont été mises en place avec un remboursement au même titre que la consultation au cabinet du professionnel. L'épidémie de COVID-19 a vu une désertification des cabinets médicaux pendant les périodes de confinement puisque les patients avaient peur de se contaminer auprès des autres patients dans les salles d'attente. L'assurance maladie a observé une baisse de 40% des cabinets médicaux de soins primaires et de 70% pour les spécialistes11.

Les médecins et les professionnels de santé se sont alors lancés dans l'organisation de téléconsultations et ce qui correspondait également pour partie à une demande de certains patients qui utilisaient déjà l'internet pour leurs interrogations sur la santé.

3.1. Télémédecine internet et e-santé

Dans l'esprit du grand public, il existe une confusion entre télémédecine et e-santé12. En effet des offres de services relatifs à la santé et au bien-être sont proposées via les smartphones et autres outils informatiques.

Déjà en 2013, l'ordre des médecins et l'association nationale de télémédecine attirait l'attention sur la distinction qu'il fallait faire pour éviter cette confusion13.

De plus en plus de personnes sont connectées et utilisent des applications de " santé mobile " et des objets connectés. D'après une étude du LEEM14 on dénombrait 161 millions d'objets connectés de santé, 8 patients sur 10 seraient prêts à s'équiper.

Dès 1998, l'OMS distingue télémédecine et e-santé en précisant que la:

" télémédecine clinique est une activité professionnelle qui met en œuvre des moyens de communication numériques permettant à des médecins et d'autres membres du corps médical de réaliser à distance des actes médicaux pour des malades. La télémédecine informative est un service de communication audiovisuel interactif qui organise la diffusion du savoir médical et des protocoles de prise en charge des malades et des soins dans le but de soutenir et d'améliorer l'activité médicale "15.

Les applications de santé mobile présentent manifestement des failles de sécurité, se servent dans les données contenues dans les smartphones, voire communiquent ou vendent des données à des tiers. Une étude conduite en UK16 sur 79 applications recommandées par le NHS a montré que 66% ne disposent d'aucun service de chiffrement et 20% n'ont aucune politique de protection des données, ce qui a entrainé la suppression du site. La majorité des applications de e-santé se sont créées et développées à l'étranger en dehors de tout cadre juridique de protection des usagers, sur une simple logique commerciale.

En France, dès 2015 de nombreuses plateformes privées de téléconsultation se sont déployées sur internet (Mesdocteurs, LIVI, Qare, Avecmondoc, Dokiliko, Leah, Hellocare, Medicitus). Certaines proposent une mise en relation avec un professionnel en moins de 3mn 7j/7 24h/24, mais ces plateformes reconnaissent qu'il s'agit davantage d'un télé conseil facturé au patient que d'une téléconsultation suivie de la prescription d'un traitement.

Les usagers qui sont friands de ces nouvelles technologies (GEEKs) ne font pas vraiment la différence en termes de qualité de l'information/conseil qu'ils reçoivent. De plus ils confondent les plateformes de prise de rendez-vous avec des professionnels de santé avec des services de e-santé. En effet, en 2019 Doctolib spécialiste de la prise de rendez-vous médicaux en ligne a créé un réseau de 70 000 professionnels de santé pour faciliter le développement de la téléconsultation pour les praticiens qui utilisaient déjà la plateforme pour leurs rendez-vous. C'est précisément de ce genre de réseau que le CNOM s'était inquiété en 2018.

3.2. Les dispositions dérogatoires

Les décrets du 9 et 19 mars 2020 posant des dérogations pour les patients atteints de COVID -19 autorisent la personne atteinte de COVID 19 à avoir recours à la téléconsultation par un médecin qui ne la connait pas. Pour le télé soin, la dérogation est similaire et autorise le télé soin en l'absence d'une première consultation en présentiel avec un infirmier.

Ces activités peuvent être réalisées avec tous les moyens permettant une vidéotransmission (site ou application sécurisée via un ordinateur, tablette ou smartphone équipé d'une webcam reliée à internet). Le télé soin par téléphone est autorisé. L'exonération du ticket modérateur est accordée.

L'arrêté du 23 mars 2020 prolonge les dérogations pour la télémédecine jusqu'au 11 mai 2020 et autorise la vidéo transmission avec des outils de communication grand public (au lieu de ceux référencés par le ministère de la santé), l'élargissement du remboursement est amené au niveau de celui des consultations classiques. La téléconsultation est autorisée même si le médecin n'intervient pas dans le parcours de soins et qu'il n'a jamais rencontré le patient auparavant.

Pour les autres professionnels de santé, la consultation à distance des sages-femmes a été revalorisée, la téléconsultation est possible pour la prescription médicamenteuse pour IVG médicamenteuses, ainsi que pour l'examen prénatal en téléconsultation et la préparation à la naissance.

Les expérimentations de télésurveillance dans l'insuffisance cardiaque chronique sont étendues. Le télé suivi infirmier pour les patients atteints de COVID ainsi que les actes d'orthophonie, d'ergothérapie et de psychomotricité à distance. Les mesures ont été prolongées au-delà du 1ier juin 2021, sauf les téléconsultations par téléphone qui ont été arrêtées le 2 juin 2021.

D'après l'assurance maladie, 5,5 millions de téléconsultations ont été remboursées entre mars et avril 202017, ce qui représente 27% en moyenne de l'ensemble des consultations (physiques et à distance). La moitié des téléconsultants ont moins de 50 ans, il s'agit de généralistes libéraux (82,6%) psychiatres (6,4%), pédiatres (2%) gynécologues (1,3%).

Le profil des patients a changé : avant le confinement les plus jeunes étaient les plus nombreux, mais les plus âgés se sont familiarisés avec ce dispositif et représentent 20% des actes facturés.

L'Ile de France arrive en tête des régions entre septembre 2019 et avril 2020 1/5 des facturations dont plus de 320 000 pour la ville de Paris. Un total de 18,4 millions de téléconsultations a été réalisé en 2020 contre 140 000 en 201918.

Pendant la crise du COVID 19, les plateformes privées ont largement prospéré parce que les mesures dérogatoires ont permis de réaliser ces actes en dehors des contraintes géographiques et de l'examen clinique préalable. Des dérives majeures sont apparues à la suite de cet emballement commercial. On peut citer le site " arretmaladie.fr " qui faisait sa publicité sur la facilité d'obtenir un arrêt de maladie. La CNAM a demandé la fermeture au motif que " les arrêts maladie ne sont pas des produits de consommation, susceptibles d'être distribués sur demande aux patients "19.

3.2.1. Les dérogations pour les sages-femmes

Les sages-femmes20 ont bénéficié de ces dérogations. Pour la première fois, il leur a été possible aux sages-femmes de suivre leurs patientes sans se rendre à leur domicile afin de limiter les contacts et la contamination. Les téléconsultations ont pu être organisées sans examen préalable et sans territorialité. Pendant le premier confinement l'interruption volontaire de grossesse médicamenteuse était possible par téléconsultation et remboursée à 100%. La sage-femme apprécie si l'IVG à distance est indiquée pour la patiente.3 étapes sont prévues : une téléconsultation d'information et de remise des ordonnances, une consultation de prise du médicament que la patiente s'est procurée sur prescription auprès de son pharmacien, et une téléconsultation de contrôle.

3.2.2. Inquiétudes sur la protection des données pendant les téléconsultations dérogatoires

Les dispositions dérogatoires pendant la pandémie sont très larges et vont à contre-courant des recommandations de la CNIL. On pourrait penser que l'on peut se passer des plateformes respectueuses des obligations (hébergeurs certifié, obligation d'un Data Protection Officer DPO etc.). L'absence des garanties sur la protection des données prévues par la législation peuvent entrainer des dérives. Facebook et whatsApp peuvent lire les messages hors de tout contrôle, c'est pourquoi il est recommandé de ne pas envoyer d'ordonnances par ces canaux. Il existe déjà de nombreuses solutions sur le marché pour s'équiper, ce que les professionnels auraient pu faire à cette occasion. Mais le Ministre de la santé reconnu que l'intérêt des patients primait et justifiait de prendre ces mesures dérogatoires (O Veran France info 10 mars 2020).

L'Ordre des médecins est satisfait de cet aménagement transitoire parce que l'épidémie justifie de telles mesures.

3.3. Les conséquences sur les activités de télémédecine

A la fin des mesures dérogatoires, les conditions de transmission des données sont revenues au niveau de protection défini par le décret 2015-1263 du 9 octobre 2015. En effet, les mesures dérogatoires ont permis la transmission des données par internet. Il existe des risques liés aux échanges par télémédecine si la sécurité n'est pas assurée, il peut y avoir des brèches dans la confidentialité de l'écoute ou de l'enregistrement de l'échange et dans la confidentialité de l'identification, même si le code des communications électroniques européen sur l'identitovigilance, impose aux opérateurs électroniques d'assurer la sécurité des réseaux et services, la confidentialité des échanges et la protection des données personnelles21.

Le professionnel qui met en œuvre un acte de télémédecine est le responsable du traitement des données Il doit vérifier que le fournisseur de la solution technique assure la protection des données personnelles conformément au RGPD et que la confidentialité des données est respectée22. Le professionnel doit également respecter les mesures de sécurité physique : accès aux locaux, sécurisation des postes de travail (recommandations HAS mai 2019).

Trois types de données doivent être protégées dans la pratique de la télémédecine (décret 2015-1263) ce sont des données très sensibles qui peuvent être piratées pour des utilisations frauduleuses :1) les données nécessaires à la facturation : le numéro de sécurité sociale ou NIR (Numéro d'Inscription au Répertoire des personnes physiques ) et les données d'identification du malade 2) les données nécessaires à la transmission du compte-rendu de la téléconsultation : identification, traçabilité du consentement, données cliniques. La durée de conservation est de 30 jours pour le prescripteur d'un acte de télémédecine et de 90 jours par le professionnel de santé qui réalise l'acte. Les données cliniques sont conservées dans le dossier médical du patient sans limite.

3.3.1. La téléconsultation

La téléconsultation est une consultation à distance dans laquelle le patient peut être assisté d'un autre professionnel de santé (médecin, infirmier, pharmacien). Elle est réalisable partout en France et dans les départements et territoires d'outre-mer par tout médecin quels que soient son secteur d'activité son lieu d'exercice public privé, établissement de soins, cabinet médical, etc.... Tout patient peut bénéficier d'une téléconsultation, mais elle est initiée par le médecin qui juge de l'opportunité d'une prise en charge à distance plutôt qu'en face à face.

Les conditions préalables citées plus haut sont impératives. Le professionnel doit pouvoir évaluer la capacité du patient à communiquer à distance. Si possible, une préparation du patient à l'utilisation du dispositif de télémédecine est organisée. La connexion doit être optimale et l'image de bonne qualité autrement il faudra conseiller au patient de se déplacer vers un lieu adapté. Le patient doit avoir eu un examen par le praticien qui s'appuie sur les données recueillies et sur les éléments du dossier médical auquel il a accès ou qui lui sont transmises par le patient. Exceptionnellement pendant la période du COVID il a été possible de faire des téléconsultations sans examen initial et sans connaitre le patient, dans ce cas, il faut élargir l'interrogatoire du patient et ne pas se limiter au motif de sa demande, et savoir interrompre la téléconsultation si un examen clinique parait nécessaire.

3.3.2. La télé expertise

La télé expertise s'est organisée depuis longtemps dans les débuts de la télémédecine, avant même qu'elle soit encadrée par la loi. Elle permet à un médecin de consulter un autre spécialiste pour son expertise dans un domaine spécifique afin d'améliorer la qualité de la prise en charge et d'obtenir rapidement un avis spécialisé. Cet appel à un tiers compétent est prévu par l'article 32 du Code de déontologie. Le médecin requérant peut solliciter un confère pour ses compétences particulières ou sa formation. La télé expertise concerne les patients atteints d'affections de longue durée, de maladies rares, ou résidant dans des zones de faible densité médicale, ainsi que les patients en EHPAD et les détenus.

Dans tous les cas, le consentement du patient est nécessaire puisque ses données personnelles seront échangées, mais celui-ci n'assiste pas à la télé expertise. L'échange entre les professionnels se fait par vidéotransmission, mais ce n'est pas obligatoire. Il est soit synchrone, soit différé et transmis par messagerie sécurisée. L'équipement doit être adapté pour pouvoir assurer la transmission d'images, de tracés etc. Le matériel de vidéo transmission comprend l'équipement informatique, et l'abonnement à des plateformes de télémédecine), ainsi qu'un certain nombre d'appareils médicaux connectés (oxymètre, stéthoscope, dermatoscope, otoscope, glucomètre, ECG, sonde doppler, échographe, tensiomètre, camera, spiromètre, tympanomètre...). Chaque utilisateur du dispositif de télémédecine dispose d'un identifiant unique : mot de passe, carte de professionnel de santé CPS, carte à puce, clé USB ...etc. La gestion des habilitations doit être organisée pour limiter l'accès aux seules données nécessaires, ainsi qu'un dispositif de suivi des traces pour pouvoir identifier un accès frauduleux.

L'assurance maladie apporte un soutien sous forme de forfait à l'acquisition de matériel connecté. Pour le remboursement des actes, la télé expertise de niveau 1 apporte une solution à une question circonscrite: interprétation d'une photo de lésion cutanée, du tympan, d'une rétinographie; alors que la télé expertise de niveau 2 est une réponse à une situation médicale complexe après une étude approfondie (cancérologie par exemple)23.

Pour les établissements de santé cet acte est facturable pour leur activité externe au même titre que les consultations.

3.3.3. La télésurveillance

La télésurveillance24 médicale organise le suivi à domicile des patients. Le professionnel médical peut interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d'un patient et de prendre les décisions relatives à sa prise en charge. L'enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés, réalisés par le patient lui-même ou par un professionnel de santé. Elle peut être mise en place pour tout patient qui nécessite un suivi médical : pathologies chroniques, sortie d'hospitalisation, etc.). La télésurveillance contribue à améliorer l'état de santé par le suivi régulier qui permet d'adapter le traitement et de dépister précocement des anomalies.

Les diabétiques sont habitués à surveiller leur glycémie par eux-mêmes et à adapter leurs doses d'insuline, ils ont été parmi les premiers à utiliser les programmes d'éducation thérapeutique et les outils numériques susceptibles de faciliter leur vie quotidienne. Pour les diabétiques, les hôpitaux de l'assistance publique de Paris ont organisé un système de télésurveillance médicale25. Celui-ci inclut un carnet glycémique partagé entre l'équipe soignante et le patient qui transmet ses résultats d'automesure de la glycémie, un capteur est connecté au stylo d'insuline et à un logiciel permet de récolter les glycémies au long de la journée. Est associé un programme d'accompagnement thérapeutique de e-learning supervisé par l'équipe soignante.

Les expérimentations développées dans le programme Etapes ont montré la pertinence de la télésurveillance, elle est remboursée par l'assurance maladie sur une base forfaitaire depuis 202226. Le professionnel de santé ou le groupe de professionnels qui coopèrent dans le parcours de soins du patient, doivent se déclarer auprès de l'agence régionale de santé. La prise en charge couvre également les services et outils numériques de télésurveillance qui sont des dispositifs médicaux numériques listés dans un référentiel de la Haute Autorité de Santé.

3.3.4. Les sages-femmes

Depuis le 5 septembre, la dérogation a été pérennisée et sont autorisé pour les sages-femmes : la téléconsultation, les actes à distance, et la télé-expertise. Tous les actes sont possibles à distance excepté ceux qui impliquent un contact ou un appareil spécifique. Toutefois il faut que la sage-femme ait examiné sa patiente dans les 12 mois précédents et exercer sur le même territoire que le lieu de résidence sa patiente. Sont exclues les séances d'entretien et de suivi post natal.27 Des aides financières ont été instaurées (350 € pour l'équipement de vidéotransmission et 175 € pour l'achat d'appareils connectés). Les dispositions pour l'IVG médicamenteuse ont été pérennisées par le décret n°2022-212 sur les IVG non médicamenteuses pratiquées hors établissements de santé28.

3.3.5. La télémédecine des autres professionnels de santé: le télé soin

Le télé soin permet à un auxiliaire médical ou à un pharmacien de suivre à distance un patient grâce aux technologies de l'information et de la communication. Tous les patients peuvent bénéficier du télé soin, pour les actes ne nécessitant pas un contact direct et/ou un équipement spécifique. Le professionnel évalue si le télé soin est adapté au patient, c'est une décision partagée du patient et du professionnel.

Le télé soin peut être organisé pour des patients nécessitant un suivi par exemple : un orthophoniste programme avec l'accord du patient après un bilan en présentiel, un suivi en plusieurs séances à distance. Pour les personnes fragilisées, le kinésithérapeute peut organiser des séances de rééducation à distance afin d'éviter des déplacements trop complexes pour le patient, enfin pour les patients atteints de maladie chronique, l'infirmier peut proposer des séances d'éducation thérapeutique à distance. Dans tous les cas, un compte-rendu est rédigé et annexé au dossier du patient. D'après le référentiel de la Haute Autorité de Santé 29, 18 professions sont autorisées à pratiquer le télé soin30 qui relève des mêmes exigences que le soin en présentiel. Les prérequis sont ceux de la télémédecine. Le ministère de la santé a établi une liste des logiciels, plateformes, accès web et applications que l'on peut utiliser en télésanté.

4. Quelques remarques pour conclure

Au terme de cette présentation il convient de souligner que le développement de la télémédecine s'inscrit dans le programme plus large du numérique en santé31. Les patients souhaitent intégrer les technologies numériques dans la relation de soins avec les professionnels de santé32. Mais aussi, ils veulent accéder à la santé par eux-mêmes, en dehors du circuit traditionnel dans une perspective de prévention et de perfectionnement. Dans cet objectif la création de l'espace santé de la sécurité sociale est un outil numérique évolutif qui permet de faciliter les relations entre les patients et les professionnels de santé.

Il faut reconnaitre que la télémédecine n'est pas un substitut de la consultation face à face, c'est un complément de l'exercice médical, elle a ses limites. En effet en psychiatrie33 la dimension humaine de la relation est moins accessible alors que c'est une partie importante du travail des psychothérapeutes.

A l'opposé on peut affirmer que les facilités accordées à l'installation de la télémédecine dans les EHPADs a constitué manifestement un bénéfice clair pour les résidents. Les déplacements sont évités, la télé expertise permet d'obtenir rapidement des avis spécialisés, l'installation d'une plateforme adaptée permet une connexion sécurisée et fiable, l'assistance d'un professionnel de santé à la téléconsultation évite les difficultés liées à la maîtrise du système informatique. Reste à prendre en compte les modalités de recueil du consentement et la confidentialité dont l'auxiliaire médical est habituellement garant.

En Europe, le futur de la santé est digital, la Commission Européenne considère que la transformation digitale peut améliorer le bien-être de millions de citoyens et changer la manière dont les soins sont distribués aux citoyens34.

1J. Duguet et AM Duguet L'innovation au service du bien-être et des objets connectés in Recherche médicale, innovation et nouvelles technologies Les Etudes Hospitalières 2017.

3Art R.4127-19 CSP.

4CNOM Mésusage de la télémédecine Rapport adopté lors de la séance du 20 décembre 2020. https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/rapport/10ax7i9/cnom_mesusage_de_la_telemedecine.pdf.

5Avenant n°6 à la convention médicale de 2018.

11Alain Loutte Télémédecine et crise sanitaire : réflexions éthiques et politiques Démocratie N) 18 Octobre 2020 https://www.revue-democratie.be/index.php?option=com_content&view=article&id=1452:telemedecine-et-crise-sanitaire-reflexions-ethiques-et-politiques&catid=30&Itemid=130.

12AM Duguet Télémédecine et COVID 19 Une croissance spectaculaire grâce aux dérogations in COVID-19 One heath et intelligence artificielle Christian Hervé Dalloz 2022 p 409-423.

13P.Simon et J Lucas La télémédecine n'est pas du e-commerce CNOM 22 novembre 2013.

14Etude du LEEM Intelligence artificielle et données de santé : le mariage du futur www.leem.orghttps://www.leem.org.

16Elinez Mahdavy Les applications et objets connectés en santé 1ier février 2019 https://www.orange-business.com/fr/blogs/applications-et-objets-connectes-en-sante.

18Ateliers de Giens Cécile Charle-Maachi, Alexandre Moreau-Gaudry, D Sainati et al. Les solutions numériques en santé, quelles valeurs apportées, quels mécanismes de financement et quelles évaluations? Thérapies https://doi.org/10,1016/j.therap.2021.12.005, p. 3.

19Jeanne Fernet Des plateformes de téléconsultation, des atouts et des limites. La croix 17/2/2020 https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sciences-et-ethique/Plateformes-teleconsultation-atouts-limites-2020-02-17-1201078816.

21Agence Nationale de sécurité des systèmes d'information https://www.ssi.gouv.fr.

22Téléconsultations et protection des données de santé Carole A.Younes Village justice 28 mars 2020 https://www.village-justice.com/articles/teleconsultations-covid-protection-des-donnees-sante,34389.html.

23La rémunération s'adresse à la fois au médecin requérant et au médecin requis. Le médecin requis est rémunéré à l'acte 12 € pour Télé expertise niveau 1 (TE1) pour 4 actes par médecin et par patient et 20 € pour le niveau 2 (TE2), 2 actes par an, par médecin, pour le même patient. Le médecin requérant reçoit un forfait 5 € pour TE1 et 10 € pour TE2 dans la limite de 500 € par an, calculé automatiquement par l'assurance maladie sur la base des télé expertises réalisées.

26Article 36 de la loi 2021-1754 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

30Audioprothésistes, diététiciens, épithésistes, ergothérapeutes, infirmiers, Manipulateurs radio, kinésithérapeutes, ocularistes, opticiens-lunetiers, orthésistes, orthophonistes, orthoprothésistes, orthoptistes, podoloques, pharmaciens, podo-orthésistes, psychomotriciens, techniciens de laboratoire médical.

31AM Duguet Place du numérique et de l'intelligence artificielle dans l'activité médicale in L'entreprise et l'intelligence artificielle, Les réponses du droit A Mendoza-Caminade Presses de l'Université de Toulouse1 Capitole 2022 p 403-417.

32Etude du CNOM, Santé connectée. De la e-santé à la santé connectée, Janvier 2015 https://www.conseil-national.medecins.fr.

34Connected for a healthy future digital transformation, empowered citizen, healthier Published by DG CONNECT. societycNET-113@ec-europa.eu.

Received: December 19, 2022; Accepted: January 17, 2023; pub: February 14, 2023

Corrrespondencia: Anne-Marie Duguet. Email: aduguet@club-internet.fr

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